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MEFRA – 119/1 – 2007, p. 225-339. Activités archéologiques de l’École française de Rome Chronique Année 2006 Sites des activités archéologiques et des collaborations de l’École française de Rome en 2006-2007 . 238 La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique MONTERENZIO, (PROV. DE BOLOGNE). LA NÉCROPOLE CELTO-ÉTRUSQUE DE MONTERENZIO VECCHIA Université de Bologne, École normale supérieure (Ulm)-UMR 8546 du CNRS, École française de Rome La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia a livré au cours des six campagnes de fouilles réalisées entre 2000 et 2005 une quarantaine de tombes auxquelles il faut ajouter les vestiges plus ou moins bien conservés d’une dizaine de sépultures supplémentaires, sauvées dans les labours en 1988, et quelques objets sans contexte précis découverts dans les années 1880. L’ensemble, daté de la fin du IVe siècle-début IIIe siècle av. J.-C., caractérise une phase particulièrement faste de la civilisation celtique en Italie du nord. Installée sur le flanc sud-occidental de la colline, la nécropole est située à proximité d’un habitat étrusque partiellement exploré, mais dont les limites spatiales et chronologiques restent à définir. Situé à une trentaine de kilomètres au sud de Bologne, le complexe archéologique de Monterenzio Vecchia domine le versant oriental de la vallée de l’Idice et fait face au Monte delle Formiche qui se dresse au milieu d’une large vallée définie par les cours de l’Idice et de la Zena. Côté oriental, il domine la vallée du Sillaro qui ouvre sur la Romagne. La proximité de la via Flaminia minor, une des principales voies de communication antiques reliant la région padane à l’Étrurie interne, conférait à cet établissement une importance stratégique de premier plan. Sa position dominante et sa localisation à mi-chemin entre la plaine du Pô au nord et les cols toscans au sud, en faisaient une place remarquable bien que non fortifiée. Cet établissement est contemporain de l’ensemble voisin de Monte Bibele également connu pour son importante nécropole celto-étrusque. La proximité de ce dernier site qui domine en amont le versant occidental de l’Idice laisse deviner l’existence d’un réseau de castella relativement dense. Les principales caractéristiques de cet ensemble funéraire ont déjà été amplement décrites dans les précédents comptes-rendus. Rappelons que l’étude de ces ensembles et de ceux de Felsina/Bologna, a montré l’importance de la composante étrusque dans le processus de construction des nouvelles communautés, des Boïens en particulier. L’archéologie funéraire de cette période offre 2. Voir D. Vitali (dir.), I bronzi degli Etruschi e dei Celti nella Valle dell’Idice, dans Quaderni del Museo archeologico «Luigi Fantini», 3, 2006. . un témoignage fort de la synthèse qui caractérise alors ces sociétés multiethniques. Nous ne reviendrons pas ici sur ces questions plusieurs fois abordées. Nous souhaitons davantage attirer l’attention sur certains résultats récents des études post-fouille actuellement en cours, en particulier l’apport de la restauration des objets métalliques. Il convient en effet d’insister ici sur l’importance de la population guerrière (plus de 40% de l’effectif total) et par conséquent des pièces d’armement qui occupent une part prépondérante dans la composition des mobiliers funéraires exhumés. Sur un total de 246 objets métalliques 177 sont en fer, soit un peu plus des deux tiers. Les pièces d’armement, au nombre de 90, représentent un peu plus de 35% de l’effectif total. Jusqu’à présent la restauration a porté sur un peu plus de 70 objets dont une trentaine de pièces d’armement. Une exposition consacrée aux objets en bronzes a permis de dresser un premier bilan des restaurations en 2006 (situle, passoires, kyathoi, miroirs, strigiles, fibules et casque) 2. Au cours de ces deux dernières années une attention particulière a été accordée à la restauration des fourreaux d’épée et des casques en vue de leur étude et de leur présentation. Ce travail en cours donne l’occasion de revenir sur le problème de la conservation des métaux archéologiques et plus particulièrement des objets ferreux, et de leur exploitation comme source d’information. Il sera ici plus particulièrement question de casques et de fourreaux d’épée dans la mesure où ces objets complexes sont caractéristiques de ce type de gisement et riches en enseignements techniques et artistiques. Deux exemples retiendront ici notre attention, le casque de la tombe 36 et l’ensemble épée-fourreau de la tombe 32, mais il convient tout d’abord de s’arrêter quelques instants sur les problèmes de méthodes que posent l’étude et la conservation des métaux archéologiques. Malgré la nature basique du terrain, très peu corrosif et modérément oxydant, les objets métalliques découverts à Monterenzio Vecchia sont recouverts d’une couche de corrosion et ne peuvent pas être étudiés en l’état. Le processus de minéralisation qui affecte ces matériaux conduit à une transformation de la morphologie originelle et, à terme, dans le cas des alliages ferreux, à une destruction partielle ou complète de l’objet. Une stratégie de conservation-restauration adaptée aux problématiques d’étude a donc été mise en place afin de redonner aux objets leur lisibilité et d’assurer leur conser- 239 vation à terme. Dans cette perspective le conservateurrestaurateur n’est pas seulement pour l’archéologue un prestataire de service, il est aussi un partenaire avec lequel sont discutés les objectifs, les choix et mis au point des protocoles adaptés aux besoins de l’étude. Sa présence sur le terrain a souvent été requise pour consolider les objets et effectuer les prélèvements dans de bonnes conditions. La restauration et le soin apporté à la conservation de ces vestiges permettent de multiplier les observations techniques, de préciser les typologies et, en combinant ces résultats, d’affiner les chronologies. La corrosion des objets en fer provenant de Monterenzio Vecchia est très homogène. Si la surface est entièrement transformée par la corrosion, la pénétration de la corrosion varie en revanche d’un objet à l’autre, certains étant encore parfois localement très métalliques. En ce qui concerne les objets en alliage cuivreux la corrosion est beaucoup moins importante en raison de la «noblesse» électrochimique du métal. Les objets sont généralement recouverts d’une fine couche de produit de corrosion du cuivre mêlé, au niveau des couches externes, avec le sédiment argilo-calcaire du milieu d’enfouissement. Les objets présentent aussi assez souvent des altérations mécaniques (cassures anciennes ou advenues au moment du dépôt dans la tombe, cassures récentes, survenues pendant ou après la fouille, dues notamment au processus de corrosion active et aux manipulations répétées). En effet, lors de la fouille, les changements des paramètres de conservation (l’augmentation du taux d’oxygène et la variation du taux d’humidité) modifient l’équilibre qui s’était formé entre le métal et son milieu d’enfouissement. La présence dans les couches de corrosion d’ions chlorures provoque enfin, à proximité de la surface métallique et des fissures, une nouvelle oxydation. Cette oxydation initie une transformation des produits de corrosion instables et engendre un processus de corrosion irréversible qui aboutit, à plus ou moins court terme, à la destruction du métal sous-jacent par fissuration, gonflement, délitement et enfin par un éclatement de la surface. Il faut se rendre à l’évidence que ce processus cyclique et irréversible engendre non seulement la perte des informations archéologiques contenues dans les couches de corrosion mais aussi des objets eux-mêmes. Pour éviter de telles altérations, et considérant que les méthodes de protection généralement utilisées (application d’un film de résine acrylique ou traitement à l’acide tannique) se sont démontrées inefficaces à long terme, une campagne curative de stabilisation de la corrosion a été mise en place dans les locaux du musée L. Fantini, à Monterenzio. Ce traitement de stabilisation . par déchloruration suit un protocole très précis. Les objets sont immergés dans des bains de sulfite alcalin, dans le cas des objets en fer, ou de sesquicarbonate de soude, lorsqu’il y a des éléments en alliage cuivreux. Les solutions continuellement agitées afin d’augmenter la mobilité des ions chlorures et la pénétration de la solution, sont renouvelées à intervalles réguliers jusqu’à obtenir une concentration des chlorures inférieure à 5 ppm, ce qui correspond aux marges d’erreur de la méthode de dosage. Une fois la déchloruration achevée, les objets sont rincés jusqu’à obtenir un pH neutre et mis à sécher. Le temps d’un traitement de déchloruration varie généralement de 4 à 6 mois. Afin d’éviter toute dégradation, les zones sensibles des objets sont protégées temporairement durant toute la période du traitement à l’aide d’une couche de cyclododécane (hydrocarbure stable dont le grand intérêt est d’être hydrofuge et de se sublimer à température ambiante sans laisser de résidus en surface). Dans le cas des fourreaux d’épée, un premier nettoyage des couches de corrosion est effectué avant le traitement de déchloruration, afin d’individualiser et de protéger les zones fragiles qui pourraient se dégrader, de reconnaître la présence de matières organiques telles que bois, cuir, ou fibres textiles. Le nettoyage des couches de corrosion, a pour but de retrouver l’ancienne surface de l’objet aujourd’hui transformée par la corrosion. Cette surface qualifiée d’«originelle» est contenue dans les couches de corrosion. Elle peut se situer à l’interface de deux couches ou dans certaines conditions particulièrement propices à la conservation des métaux, à l’interface métallique. C’est au niveau de la surface originelle que sont contenues les informations qui caractérisent l’objet : forme générale, traces de fabrication, d’utilisation ou de destruction, décors éventuels... Les méthodes de nettoyage sont choisies en fonction des caractéristiques physico-chimiques des couches préalablement observées (composition, dureté relative, adhérence, épaisseur, etc.) et selon la diversité des matériaux composant l’objet (alliage-cuivreux, fer, émail, matériaux organiques). Dans le cas des objets en fer, les propriétés chimiques très voisines des oxydes et hydroxydes de fer qui composent les couches de corrosion, ainsi que leurs manques d’uniformité, empêchent tout recours à des traitements chimiques de nettoyage. Le dégagement de la surface originelle est donc réalisé de manière exclusivement mécanique sous loupe binoculaire à l’aide de techniques et d’outils employées parfois conjointement : abrasion à l’aide de fraises diamantées montées sur un micro-tour et micro-sablage de particules abrasives (fig. 7). Lors de la restauration des objets en alliage-cuivreux, le restaurateur peut commencer, 240 La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique Fig. 7 – Monterenzio Vecchia. Nettoyage par micro-sablage des couches de corrosion recouvrant la surface de l’entrée du fourreau provenant de la tombe 26 du site de Monterenzio Vecchia (Cliché R. Bernadet). par exemple, par un nettoyage chimique pour solubiliser les couches de corrosion supérieures adhérentes à la surface originelle et achever la restauration mécaniquement par piquetage, à l’aide d’un scalpel ou d’un microburin à air comprimé, ou par micro-sablage de particules abrasives, comme du bicarbonate de sodium. La restauration d’un fourreau et de son épée peut nécessiter jusqu’à 24 heures de travail, la restauration d’un casque comme celui de la tombe 36, présenté ci-dessous, dépasse la cinquantaine d’heures. 1 – Le casque de la tombe 36 appartient à un adulte de sexe masculin inhumé avec un riche mobilier comprenant des effets personnels et un service de vases lié au cérémonial du banquet. L’équipement personnel comprend les armes (l’épée ployée et son fourreau, une lance, trois javelots de type pilum, un bouclier en matériau organique et un casque) et un nécessaire de toilette (forces et rasoir, strigile et récipient en peau avec embouchure en tôle de bronze). Il n’y a là aucune trace de parure ni même d’accessoires vestimentaires comme les fibules. Le vaisselier comprend des récipients en céramique et en bronze, dont un mortier et une kylix, deux formes caractéristiques des équipements masculins. Parmi les vases de cette tombe exceptionnelle figurent un cratère stamnoïde en pâte claire de Volterra et une kylix à figure rouge également de production étrusque. Le mobilier était complété par divers ustensiles liés au banquet (un candélabre entièrement en fer, une paire de chenets, des broches et deux couteaux). L’ensemble est daté de la fin du IVe siècle av. J.-C. Le casque complet avait été placé sur la hanche gauche du défunt et recouvrait une partie de l’épée et les hampes minéralisées des armes d’hast disposées le long du corps (fig. 8). La paragnathide gauche, avec la . face externe tournée vers le haut était encore relié au casque par les produits de corrosion, alors que celle de droite, désolidarisée, gisait sous le timbre face contre terre. Le casque est constitué d’une calotte en bronze et de couvre joues trilobés en bronze et fer. Le timbre de forme hémisphérique et le couvre-nuque sont faits d’une seule pièce, tandis que le bouton sommital et les charnières sont réalisés séparément. Le bouton est creux, bombé, et ornée d’un motif ternaire. Il s’agit d’un double triangle à faces concaves pointé au centre, un motif élémentaire fréquent dans l’art celtique. Ce motif qui correspond au cœur du triscèle est souvent utilisé seul sur certaines fibules ou torques, mais aussi sur certains boutons de casques des Alpes orientales. Si la faible épaisseur des couches de corrosion n’affectait guère la forme de l’objet, elle masquait en revanche totalement les détails de surface comme les décors, les traces de fabrication et d’utilisation (fig. 9). Un premier examen permit d’identifier la présence de restes organiques liés à l’objet lui-même ou à son environnement immédiat. Outre les fragments de bois provenant de la hampe des lances et javelots qu’il recouvrait, on note la présence de cuir minéralisé sur la surface interne du protège nuque et du crochet de fixation en L du paragnathide droit. Ces traces de cuir appartiennent vraisemblablement aux lanières de la jugulaire. La mise en évidence de cuir à l’intérieur du casque trahit en outre la présence d’une garniture interne comme cela a aussi pu être vérifié sur plusieurs exemplaires en fer provenant du même ensemble. La calotte était en effet recouverte d’une épaisse couche de malachite et d’azurite, de couleur vert et bleu. Or, on sait que la formation de ces couches de corrosion en quantité importante est associée à la corrosion des alliages cuivreux en présence de matières organiques. La restauration a permis de rendre lisible la présence de décors réalisés au repoussé sur les paragnathides et les disques temporaux du timbre ou moulés comme ceux qui ornent le bouton sommital et la base du timbre. Le dégagement de la face externe de chaque paragnathide s’est avéré difficile à cause de la différence de dureté et d’adhérence entre les couches de corrosion du fer provenant des rivets et les couches inférieures de corrosion du bronze contenant la surface originelle (fig. 10). La restauration achevée, l’objet a été protégé par une couche de vernis acrylique (ParaloïdT B72) et placé dans un conditionnement adéquate à sa conservation. La tôle de bronze des couvres joues est ornée de trois disques moulurés, identiques à ceux des temporaux. Ils dessinent un triangle pointé vers le bas. Des ocelles estampés disposés horizontalement sous la charnière et en arc 241 Fig. 8 – Monterenzio Vecchia. Tombe 36, vue d’ensemble. Fig. 10 – Monterenzio Vecchia. Casque, tombe 36. Paragnathide droit avant restauration (à droite) et après restauration (à gauche) (Cliché R. Bernadet). Fig. 9 – Monterenzio Vecchia. Casque, tombe 36. Vue postérieure droite du timbre avant restauration (Cliché R. Bernadet). . 242 La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique de cercle sur les côtés soulignent les bordures supérieures et latérales. Deux ocelles isolés situés dans l’axe vertical, entre les disques supérieurs, complètent une composition relativement sobre. Les plaques sont maintenues par trois rivets en fer fixés au centre des disques. Ils sont identiques à ceux du timbre. L’observation minutieuse des couches de corrosion des têtes des rivets, effectuée sous loupe binoculaire a révélé la présence d’émail de couleur rouge. L’incrustation d’émail rouge sur les têtes de rivets en fer est une technique maintenant bien connues qui signale non seulement les casques en fer ou en bronze et fer de l’Apennin mais aussi certains rivets de poignée d’épée comme l’exemplaire de la tombe 36. Le nettoyage a été réalisé de manière exclusivement mécanique. Une attention particulière a été requise pour le nettoyage des parties émaillées, compte tenu de la fragilité du matériau vitreux. L’émail dessine sur la tête des rivets en fer des paragnathides des motifs étoilés complexes, sur ceux du couvre-nuque et du temporal droit, un triangle à face concave qui rappelle singulièrement le motif du bouton sommital et sur le crochet du paragnathide droit un dernier motif constitué de cercles concentriques (fig. 11). L’aspect général était dominé par la couleur jaune du bronze ponctuée de blanc argenté (rivets en fer) rehaussée de rouge (émail). Enfin, la restauration a permis de mettre en évidence des traces de réparation qui atteste d’un usage intensif. L’objet fut porté, malmené et grossièrement réparé. La charnière en bronze du couvre joue gauche, qui a cédé, a été remplacée par une nouvelle attache en fer fixée à la calotte par un rivet en bronze qui traverse le centre de l’ancien rivet en fer (fig. 12). Les traces de martelage visibles à l’intérieure de la calotte, indiquent en outre que le timbre a été réalisé à partir d’une Fig. 12 – Monterenzio Vecchia. Casque, tombe 36. Le casque après restauration. Au centre de l’ancien rivet en fer est visible le rivetage de réparation en alliage-cuiveux (Cliché R. Bernadet). ébauche moulée à la cire perdue et mis en forme dans un second temps par martelage, en alternance avec des passes de recuits. Le polissage final de la surface externe en aura fait disparaître toutes les irrégularités. Le casque de la tombe 36 avec sa calotte en bronze et ses paragnathides trilobées bimétalliques ne trouve pas de comparaison immédiate dans la région. Il se distingue du type classique à bouton étrusco-italique en bronze (également nommé type de Montefortino) documenté Fig. 11 – Monterenzio Vecchia. Casque, tombe 36. Têtes de rivet en fer à décors d’émail rouge : paragnathides (a), temporal droit et couvre-nuque (b) et bouton du crochet en L du paragnathide droit (c) (Cliché R. Bernadet). . 243 localement à Monte Bibele et à Bologne, par la forme (timbre arrondi) et la technique (bouton rapporté, moulures simples et décor ternaire). Le bouton rapporté est une caractéristique des productions celtiques et alpines des Ve et IVe siècle av. J.-C. La réalisation en une seule pièce du couvre-nuque et du timbre est en revanche un trait distinctif de l’artisanat péninsulaire, qu’il s’agisse des spécimens aussi bien en bronze qu’en fer (c’est à cette catégorie qu’appartiennent tous les casques en fer des Apennins entre Marches et Ligurie). Les casques à bouton de type Montefortino, souvent équipés de paragnathides anatomiques, sont parfois associés comme les exemplaires en fer à des couvre joues trilobées en bronze ou bimétalliques. C’est le cas d’un des plus célèbres casques de la nécropole «sénone» de Filottrano dans les Marches, également équipé d’un porte cimier et pourvu de rivets en fer. La forme nettement arrondie du timbre rappelle l’aspect du casque en fer et bronze de Canosa (tombe à hypogée de la Scocchera A, Pouilles), qui figure avec sa riche décoration de corail parmi les chefsd’œuvre de l’art celtique. Plus probantes sont les similitudes avec un des casques de la nécropole ligure d’Ameglia (Ligurie). Comme l’exemplaire de Monterenzio, le casque d’Ameglia en bronze est équipé de couvre joues bimétalliques et le timbre est arrondi. Le bouton sommital réalisé séparément n’est pas conservé. La tombe 54 d’Ameglia est datée comme celle de Monterenzio de la fin du IVe-début IIIe siècle av. J.-C. Il s’agit d’une sépulture double qui contenait les restes de deux guerriers équipés d’épées «celtique» de type La Tène ancienne. Un autre point commun entre cette dernière nécropole et celles de Monte Bibele et Monterenzio Vecchia réside dans le nombre relativement élevé d’individus armés et casqués (40% d’hommes armés) et une forte dominante des casques en fer par rapport aux spécimens en bronze. La présence de casques en bronze parmi les ensembles les plus richement dotés en mobilier, à Monterenzio Vecchia, à Monte Bibele, à Ameglia ou à Bologne, témoigne de l’importance de ces armes et de leurs possesseurs. 2 – Le second exemple sur lequel nous souhaitons attirer l’attention est un objet entièrement en fer. Il s’agit de l’épée avec fourreau de la tombe 32, une des rares incinérations attestées sur le site. Le mobilier d’accompagnement comprend une quinzaine de récipients constitués de plats, coupes et gobelets (vernis noir, pâte bucchéroïde et pâte grossière). On trouve là aussi la kylix et le mortier caractéristiques des ensembles masculins de la région. Les effets personnels se limitent à une fibule en fer et la panoplie d’arme. Celle-ci comprend, outre l’épée, deux anneaux de suspension en . bronze et trois javelots de type pilum. La corrosion qui couvre l’ensemble des objets indique en outre qu’ils ne furent pas directement exposés à la flamme du bûcher. Dans le cas contraire, leur surface aurait été préservée et leur aspect faiblement altérée. La tombe est datée du début du IIIe siècle av. J.-C. L’épée a été trouvée avec les rivets de la poignée en place malgré la disparition des parties organiques. La lame droite, à double tranchant et pointe effilée, mesure environ 55 cm. Elle était légèrement dégagée de son étui, alors que l’extrémité de ce dernier avait été repliée le rendant impropre à tout usage. La lame est ornée de deux lignes incisées qui courent de chaque côté, le long de la nervure centrale. Le fourreau d’épée de tradition celtique est un objet composite en fer, formé de l’assemblage de différents éléments. Les plaques de quelques dixièmes de millimètres d’épaisseur qui constituent la gaine sont montées en force et maintenues par un ingénieux système de sertissage (la plaque la plus étroite est prise entre les gouttières latérales de la plus grande mais le jeu est réduit au minimum de manière à maintenir une certaine tension). À cela vient s’ajouter la bouterolle montée elle aussi en force et la pièce de suspension fixée au revers par rivetage. Des pièces de renfort complètent parfois le montage. Enfin, il faut préciser que le fourreau est souvent orné de motifs à caractères symboliques et apotropaïques. Il s’agit là d’une caractéristique de l’armement laténien et une source d’information majeure pour la connaissance et l’étude de l’art celtique. Le fourreau de la tombe 32 présentait de nombreuses altérations mécaniques sous formes de fissures, bris et soulèvement de surface liées au processus de corrosion et à son enfouissement. L’évaluation de l’extension et de la pénétration de la corrosion s’est faite par sondages des couches de corrosion sous loupe binoculaire et par l’observation des cassures. L’objet présentait une corrosion généralisée à structure multicouche sur toute sa surface (fig. 13). Si l’épée était peu minéralisée, la pénétration de la corrosion était très importante en revanche au niveau du fourreau. Un premier nettoyage des couches de corrosion permit d’identifier la présence de tissu minéralisé à la surface de la bouterolle (fig. 14) et de bois sur la soie de l’épée. Après avoir effectué une protection au cyclododécane des éléments organiques, l’objet a été stabilisé par déchloruration au sulfite alcalin. Le nettoyage des couches de corrosion jusqu’à la surface originelle a été effectué mécaniquement sous loupe binoculaire par microsablage de particules abrasives (microbille de verre de 70 à 90 mm) et achevé à l’aide de fraises diamantées montées sur un micro-tour (fig. 15). La restauration d’un tel objet Fig. 13 – Monterenzio Vecchia. Fourreau et épée, tombe 32, avant restauration. Fig. 14 – Monterenzio Vecchia. Fourreau, tombe 32. Tissu minéralisé présent sur l’extrémité gauche de la bouterolle (Cliché R. Bernadet). Fig. 15 – Monterenzio Vecchia. Fourreau et épée, tombe 32, après restauration (Cliché R. Bernadet). Fig. 16 – Monterenzio Vecchia. Fourreau, tombe 32. Détail du décor gravé présent sur l’entrée (Cliché R. Bernadet). . 245 est rendue difficile par l’extrême fragilité des couches de corrosion supportant la surface originelle (les interventions de nettoyage et de consolidation à l’aide de résine époxy sont menées conjointement). La restauration achevée, l’objet a été protégé par une couche de vernis acrylique (ParaloïdT B72) et placé dans un conditionnement adéquat à sa conservation. La restauration a permis de préciser la morphologie du fourreau et a révélé la présence sur la face antérieure, près de l’embouchure, d’un décor ciselé. Le motif s’organise symétriquement de part et d’autre de la nervure centrale. Le thème est celui dit des «animaux fantastiques» affrontés. Il s’agit de monstres serpentiformes à corps en esse et gueule ouverte, communément désignés sous le vocable de «lyres» par les spécialistes de l’art celtique (fig. 16). Le nettoyage a montré une interruption du tracé à la hauteur de la tête des animaux. Il ne s’agit pas d’une lacune mais de l’empreinte d’une pièce de renfort aujourd’hui disparue. L’agrafe qui venait se refermer sur les gouttières latérales était très certainement pourvue de deux disques rappelant la tête et les yeux des animaux qu’elle recouvrait. Des rinceaux curvilignes comblant les vides complètent la composition et dessinent sous les animaux une palmette à trois branches. Si le motif est parfaitement visible sur le côté droit, à gauche il s’estompe près de la base de l’animal, puis disparaît. Que le décor soit resté inachevé paraît peu probable si l’on considère les exemples similaires connus, il est plus simple nous semble-t-il de supposer une érosion graduelle de la surface. Dans ces conditions, une ciselure peu profonde peut ne laisser aucune trace. Les boutons qui signalent l’entrée et l’extrémité losangée ajourée de la bouterolle sont ornés quant à eux de motifs circulaires simples. Le fourreau d’épée de la tombe 32 trouve de nombreuses similitudes dans les ensembles contemporains nord-alpins. Cette forme équipée d’un pontet muni de longues attaches et d’une bouterolle courte avec extrémité losangée ajourée est caractéristique des armes de la fin de La Tène ancienne, soit la période correspondant à la fin du IVe siècle et au début du suivant. Elle est également attestée à Monte Bibele. Le décor, constitué d’une paire d’animaux fantastiques aux corps sinueux et étirés, surmontant une palmette à trois branches, trouve également des comparaisons dans le domaine nordalpin. L’ensemble composé par les monstres serpentiformes et la palmette, laisse deviner, comme on l’admet généralement, un masque où les yeux seraient figurés par l’enroulement des mâchoires inférieures que réunit parfois un arc de cercle. Ces figurations «végétalisées» hiératiques qui évoquent tour à tour des animaux fabuleux (dragons, griffons, oiseaux...) et des masques sont habituellement associées à la présence d’êtres divins. Elles obéissent à des codes de représentation connus de tous comme l’indique la diffusion de ces thèmes sur une grande partie de l’Europe moyenne. C’est assurément là un des traits les plus marquants de l’homogénéité culturelle qui caractérise les élites celtiques durant les cinq derniers siècles avant notre ère. Les élites celtiques d’Italie du nord n’échappent pas à ce phénomène et l’exemple des Cénomans montre que cet attachement aux traditions septentrionales perdure au temps même de la romanisation. Avec ces deux exemples nous avons essayé de montrer l’importance de ce type de documents pour l’étude d’ensembles funéraires où l’univers guerrier demeure prégnant et où les armes représentent une part importante du mobilier déposé dans la tombe. La couche de corrosion qui recouvre la plupart des objets en fer en modifient non seulement l’aspect mais aussi la structure interne. S’il est souvent possible d’identifier et même de dater sans trop d’effort, il en va différemment quand il s’agit de détecter des traces de matériaux organiques ou encore de reconnaître et suivre un décor jusqu’à ce qu’il devienne lisible. Les informations les plus minimes ont leur importance dans la mesure où elles portent en elles les renseignements qui permettront de préciser comment un objet a été fabriqué et éventuellement réparé. Les traces d’usures et de réparation qui caractérisent chacun de ces objets permettent aussi d’en préciser le mode d’utilisation. S’agissant des Celtes d’Italie, nous savons de longue date que ces populations se sont rapidement adaptées aux usages locaux et n’ont conservé de leur héritage septentrional «laténien» que certaines catégories d’objets emblématiques comme la parure et l’armement. L’attention portée à ces mobiliers paraît donc pleinement justifiée. Lors de la restauration des casques et des fourreaux d’épée, une attention toute particulière a été portée à la recherche de décors, aux traces de réparations et de mutilations rituelles (les épées/fourreaux des tombes 1, 3, 12, 16, 22, 26, 27, 28, 30, 32, 36 et trois casques composites [fer/bronze] provenant de la tombe 1, 16 et 36). Toutes ces pièces ont révélé la présence d’un décor plus ou moins conservé. C’est à l’habilité du restaurateur que revient la tache de les rendre lisibles. Cette étape longue et coûteuse, si elle constitue un préalable à l’étude et la publication des données de la nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia, implique une collaboration étroite entre archéologues et restaurateurs. Renaud BERNADET ; Thierry LEJARS ; Venturino NALDI ; Stéphane VERGER ; Daniele VITALI . MEFRA – 120/1 – 2008, p. 183-270. Activités archéologiques de l’École française de Rome Chronique Année 2007 Sites des activités archéologiques et des collaborations de l’École française de Rome en 2006-2007 . 195 Il s’agit d’une fondation très irrégulière et bien mal conservée qui nécessitera un complément d’exploration pour que l’on en comprenne la forme générale et la nature. Après quatre années de recherches sur le terrain – prospections géophysiques en 2004 et 2005 et sondages topographiques et stratigraphiques en 2006-2007 – l’année 2008 sera consacrée à l’étude du matériel et à la préparation de la publication, en vue de l’élaboration d’un nouveau projet d’investigation pour le prochain plan de collaboration franco-albanaise à Apollonia. Stéphane VERGER et François QUANTIN (EFA-EFR), Jean-Luc LAMBOLEY et Philippe LENHARDT (MAE), Altin SKENDERAJ, Saïmir SHPUZA et Vasil BERETI (Institut archéologique d’Albanie) MONTERENZIO (PROV. DE BOLOGNE). LA NÉCROPOLE CELTO-ÉTRUSQUE DE MONTERENZIO VECCHIA : ÉTUDE ET CARACTÉRISATION DU MOBILIER CÉRAMIQUE Université de Bologna, École normale supérieure (Ulm)-UMR 8546 du CNRS, École française de Rome La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia a livré une quarantaine de tombes fouillées entre 2000 et 2005 et les restes plus ou moins bien conservés d’une dizaine d’ensembles supplémentaires récupérés dans les labours en 1988. Il faut ajouter à cette liste une série d’objets sans contexte précis trouvés dans les années 1880, conservés au Musée Archéologique à Bologne. L’ensemble couvre une période relativement courte, que l’on peut situer entre la fin du IVe siècle et le début IIIe siècle av. J.-C. Il s’agit d’une phase particulièrement faste de la civilisation celtique en Italie du nord, illustrée notamment par les grandes tombes fouillées au XIXe siècle à Bologne. Installée sur le flanc sud-occidental de la colline, la nécropole est située à proximité d’un habitat étrusque dont on commence à deviner l’importance mais dont on ne connaît pour le moment ni l’ampleur ni les limites (fouilles en cours de l’Université de Bologne, sous la direction de D. Vitali). L’examen préliminaire de la céramique indique toutefois que son implantation précède l’installation de la nécropole celto-étrusque d’environ un bon siècle. Le complexe archéologique, situé à une trentaine de kilomètres au sud de Bologne, domine le versant oriental de la vallée de l’Idice et fait face au Monte delle Formiche qui se dresse au milieu d’une large vallée définie par les cours de l’Idice et de la Zena. Côté oriental, il domine la vallée du Sillaro qui ouvre sur la Romagne. La proximité de la via Flaminia minor, une des principales voies de communication antiques reliant la région padane à l’Étrurie interne, conférait à cet établissement une importance stratégique de premier plan. . Sa position dominante et sa localisation à mi-chemin entre la plaine du Pô au nord et les cols toscans au sud, en faisaient une place remarquable bien que non fortifiée. Cet établissement est contemporain de l’ensemble voisin de Monte Bibele, également connu pour son importante nécropole celto-étrusque. La proximité de ce dernier site qui domine en amont le versant occidental de l’Idice laisse deviner l’existence d’un réseau de castella relativement dense. Nous ne reviendrons pas ici sur les principales caractéristiques de cet ensemble qui ont déjà été amplement décrites dans les précédents comptes-rendus (cf. MEFRA 2001 à 2006). Nous nous limiterons à quelques rappels concernant tout d’abord la composition de la population funéraire dominée par les hommes armés qui représentent plus de 40% de l’effectif total. Il convient aussi d’insister sur le nombre relativement élevé des individus jeunes (une dizaine d’adolescents et d’enfants en bas âge). Dans le précédent compte-rendu (Mefra 2007) nous nous sommes plus particulièrement intéressés au mobilier métallique, particulièrement abondant. À l’aide d’exemples précis, nous avons essayé d’illustrer certains aspects spécifiques des équipements militaires qui combinent des éléments de tradition celtique (épées, fourreaux et ceinturons, boucliers et lance) et centreitalique (casques et armes de jets). Cette double influence est également perceptible dans la parure même si l’apport septentrional se limite cette fois à quelques fibules de typologie laténienne, en fer et en bronze. Dans ce domaine, les références italiques dominent largement (fibules en bronze ou en argent de type Certosa, colliers en perles d’ambre, pendeloques à bullae, etc.) comme pour les attributs féminins (quenouilles et fusaïoles pour le travail de la laine) ou les ustensiles liés aux soins corporels (miroirs, strigiles, vases à parfum comme les lécythes et les amphorisques, récipients en peau avec embouchure en tôle de bronze, etc.). L’importance de la composante étrusque, et plus généralement étrusco-italique, est encore plus sensible à 196 La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique travers les ustensiles et les rituels de table. Au total se sont plus de 400 vases en céramique, entiers ou fragmentés, et une dizaine de récipients en tôle de bronze qui ont été récupérés. C’est sur ce point que nous souhaitons attirer maintenant l’attention. Le mobilier céramique La restauration des vases (nettoyage, consolidation et remontage) est en voie d’achèvement et un certain nombre de pièces sont déjà exposées dans les vitrines du Musée archéologique «Luigi Fantini» à Monterenzio. Le travail de restauration est réalisé avec le concours d’étudiants en conservation-restauration de l’Université de Paris I, de la Haute École d’arts appliqués de La Chauxde-Fonds (Suisse) et de l’Université des Biens culturels de Ravenne. Près de 75% des pièces sont d’ores et déjà dessinées et documentées. Les conditions pour une étude systématique du matériel céramique sont maintenant réunies. Cette étude prend pour point de départ les travaux réalisés sur le matériel céramique de l’établissement voisin de Monte Bibele (E. Camurri et M. Della Casa, Université des Biens culturels de Ravenne). Ce travail en cours de publication répond à deux objectifs : d’une part, préciser la typologie des produits céramique de l’habitat de Pianella di Monte Savino et de la nécropole voisine de Monte Tamburino, et d’autre part d’établir un référentiel régional typo-chronologique qui s’appuie à la fois sur les associations de formes et les contextes de découvertes (autres catégories de mobilier comme la parure et les armes). Les mobiliers funéraires peuvent être considérés comme autant d’ensembles clos dans la mesure où les sépultures, les incinérations comme les inhumations, renferment chaque fois les restes d’un unique individu. L’objectif est de proposer un cadre qui rende compte de l’évolution des formes en usage dans notre zone d’étude, à savoir la vallée de l’Idice entre le Ve et le IIIe siècle av. J.-C. La proximité géographique et surtout les similitudes typologiques entre le matériel mis au jour à Monte Bibele et celui déposé dans les sépultures de Monterenzio Vecchia – lequel se signale aussi par la présence de formes nouvelles – justifient qu’on applique à ce dernier le protocole d’analyse précédemment mis au point. Modalités d’étude Le mode opératoire utilisé pour l’étude de la céramique de Monte Bibele reprend dans ses grandes lignes le protocole d’analyse élaboré dans le cadre des travaux du Centre archéologique européen du Mont Beuvray, en France (Paunier et al. 1994). Diverses modifications et . aménagements y ont été toutefois apportés afin que soient pris en compte les spécificités taxonomiques propres à notre zone d’étude. L’analyse s’articule en quatre phases : 1) classification technologique avec caractérisation visuelle des différents types de pâtes et subdivision des vases en classes; 2) classification morphologique et fonctionnelle, avec pour chaque classe une subdivision des vases en formes fonctionnelles; 3) classification morphologique et stylistique, avec pour chaque forme l’identification de types en tant que «catégories de produits présentant les mêmes attributs» (Guidi 1994; Peroni 1994); 4) recherche comparative. Le système taxonomique utilisé est de type arborescent et les classes, formes, types et éventuelles variantes, sont indiqués au moyen d’un simple code alphanumérique. La méthode, éprouvée avec le matériel du complexe de Monte Bibele, a permis de réaliser une typologie ouverte qui laisse place à l’ajout de nouveaux types ou variantes par simple extension de la codification. L’objectif est de proposer un cadre complet et détaillé des diverses productions documentées à Monterenzio Vecchia et plus généralement dans le bassin de l’Idice. Caractères généraux du corpus céramique Cinq classes céramiques sont distinguées : 1) céramique grossière (gobelets, olle, miniatures); 2) céramique dépurée ou semi-dépurée micacée grise, orange ou «buccheroïde» (pâte rouge avec surface grise ou noire); 3) céramique dépurée grise claire souvent avec engobe noirâtre (coupes, plats, coupes à pied, mortiers, vases à puiser, olle); 4) céramique dépurée claire, peinte ou non (grandes coupes à pied, olle, cratères, cruches, etc.); 5) céramique à vernis noir, simple ou avec décor surpeint (coupes, kylikes, skyphoi, etc...). Les décomptes des fig. 10 et 11 donnent un premier aperçu de l’importance respective des différentes formes et types de pâte du corpus des céramiques de la nécropole de Monterenzio Vecchia. On remarque d’emblée la prépondérance des pâtes dépurées et semi-dépurées micacées par rapport aux autres types de pâtes. Concernant les céramiques à vernis noir, on constate qu’elles sont documentées dans la plupart des ensembles adultes par un ou plusieurs exemplaires, et jusqu’à six dans un cas. Il s’agit principalement de coupes et de kylikes de production volterrane. Cette dernière classe de matériel laisse entrevoir d’intéressantes perspectives de recherche qu’il importera d’approfondir. La série, en effet, se partage en deux groupes distincts qui se signalent le premier par une pâte globalement rosée avec un vernis nettement bleuâtre, le second par une pâte orangée à 197 Fig. 10 – Monterenzio Vecchia. Quantification des formes céramiques documentées à Monterenzio Vecchia (M. Della Casa). Fig. 11 – Monterenzio Vecchia. Estimation de l’importance relative des classes céramiques documentées à Monterenzio Vecchia (M. Della Casa). rose-orangée et un vernis noir ou brun-noir. Ces deux groupes semblent également se distinguer par le style différent des décorations imprimées – les estampilles – sur le fond interne (décor à la molette, palmettes, fleurs de lotus, voir fig. 12). On peut se demander dans quelle mesure ces différences qui caractérisent deux types de production, ne sont pas aussi l’indice d’une double origine. On peut aussi espérer qu’une étude minutieuse des estampilles – combinaison de relevés graphiques traditionnels et de photographies numériques – permettra, avec l’analyse comparative et la constitution de référentiels, d’individualiser des indicateurs de reconnaissance objectifs – recherche de poinçons – ou pour le moins des caractères stylistiques récurrents. La chronologie L’ensemble céramique de Monterenzio Vecchia permet d’aborder un point important, celui de la chro- . nologie des céramiques et leur évolution. Comme pour Monte Bibele, les conditions sont réunies pour tenter un phasage relativement précis. On peut pour cela s’appuyer sur les contextes funéraires et les associations céramiques, et cela d’autant plus facilement qu’il s’agit de sépultures individuelles. Les risques de mélanges des sépultures multiples, utilisées sur une période plus ou moins longue, sont ainsi évités. Cette sériation sera ensuite confrontée avec les données issues de l’étude des autres catégories d’objets (les armes, les éléments de parure et les accessoires du costume) et la chronologie relative des sépultures, comme on peut la lire à travers l’examen de la stratigraphie horizontale. Les premières analyses montrent la très forte similarité qui existe entre les séries de Monterenzio Vecchia et Monte Bibele. Toutefois, si les deux ensembles sont synchrones, on constate que la première ne couvre qu’une partie du champ chronologique de la seconde. Les phases anciennes (de la fin du Ve siècle av. J.-C. jusqu’au second 198 La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique Fig. 12 – Monterenzio Vecchia. Décors à la molette, cercles et palmettes imprimées sur le fond interne d’une coupe à vernis noir; tomba 2 (photographie et reproduction graphique, M. Della Casa). tiers du IVe) et récentes (second quart du IIIe siècle av. J.-C.) de Monte Bibele ne sont pas représentées à Monterenzio. Les ensembles conservés de Monterenzio Vecchia – moins d’une cinquantaine de tombes contre les 160 de Monte – semblent en effet dater dans leur majorité des dernières décennies du IVe siècle et du début du IIIe siècle av. J.-C. Cette période se traduit aussi du point de vue des rituels funéraires par une plus grande perméabilité des Celtes aux usages funéraires étruscoitaliques. Si cette période est également bien documentée à Monte Bibele, la composition des mobiliers funéraires est en revanche plus sommaire, tant par le nombre que par la qualité des vases (la tombes 116 exceptée). Le corpus céramique de Monterenzio Vecchia diffère des ensembles voisins de Monte Bibele et de Bologne par un éventail de formes plus fourni et varié. La série typochronologique de Monterenzio Vecchia devrait donc constituer un important point de référence pour la connaissance du faciès céramique de l’Apennin bolognais des IVe et IIIe siècle av. J.-C. La composition des assemblages céramiques Après avoir esquissé les grandes lignes de l’analyse céramologique, nous voudrions nous arrêter sur la composition des assemblages et le sens de ces dépôts. Les sépultures d’adultes, masculines et féminines, sont de loin les mieux pourvues en mobilier céramique. Elles se caractérisent par le dépôt, à côté des objets de . parure et des effets personnels, d’un abondant service de vases destinés à la préparation, à la présentation et à la consommation de nourritures et de liquides. Le nombre de vases varie entre 9 et 20 pièces, avec une moyenne située autour de 15. Il s’agit de véritables services de table destinés à la célébration du banquet/ symposion (fig. 13). C’est là assurément un aspect important des usages aristocratiques de tradition grécoétrusque qui voyait dans la consommation collective du vin, un des moments les plus significatifs de la vie sociale des élites : le dépôt dans la tombe d’un service de table ne témoigne pas seulement du rituel funéraire du banquet ou de la dotation du défunt pour l’au-delà, mais revêt aussi une valeur symbolique pour cette communauté mixte où l’on voit Celtes et Etrusques adopter et partager les mêmes usages. Pour enrichir et compléter ce service nous trouvons aussi parfois des instruments pour la préparation et la cuisson des viandes (couteaux et broches) et des récipients métalliques (kyathoi, passoires, situle à deux anses avec attaches à décoration plastique végétale et anthropomorphe; Vitali et al. 2006). Seule la tombe 36 dispose de l’attirail complet, les chenets compris. Le mobilier est toujours accompagné d’offrandes alimentaires (généralement des parties de grils costaux de porc qui ont été placés sur les vases; d’autres restes osseux trouvés sur le fond de la fosse laissent supposer l’existence de récipients ou de supports en matériau organique). Alors que les armes, la parure et les objets de toilette 199 Fig. 13 – Monterenzio Vecchia. Tombe 5. Exemple d’un service de table complet. On observe la présence, exceptionnelle dans une tombe masculine d’un skyphos, alors que ce type de vase caractérise normalement les sépultures féminines. Le défunt est par ailleurs un des rares hommes non armé (dessin et cliché, M. Della Casa). (strigiles, rasoirs, forces pour les hommes, fusaïoles, quenouilles, miroirs pour les femmes) sont placés au plus près du corps – y compris pour les incinérations – le service de table est disposés à l’écart, à la droite du défunt. Leur distribution se limite généralement à la partie comprise entre la tête et la bassin ou encore le thorax et le genou (fig. 14). Les vases, serrés les uns contre les autres, dessinent une aire quadrangulaire qui permet de restituer là encore un support en matériau périssable – une table basse ou un coffre – sur lequel ils prenaient . place (fig. 15). Il est en revanche plus difficile d’observer une division interne entre ustensiles à boire et vases à manger. On trouve aussi parfois un vase isolé placé aux pieds du défunt (une grande coupe dans la tombe 1 ou encore un petit vase fermé à panse ovoïde dans la tombe 19). Le service de table ordinaire se compose, pour un adulte, de deux ou trois plats à pied, deux à quatre grandes coupes (diam. d’ouverture de 13 à 16 cm), deux ou trois coupes de taille moyenne (diam. 9 à 12 cm) et 200 La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique Fig. 14 – Monterenzio Vecchia. Tombe 27. Détail du matériel céramique. La situation de certains vases placés sous le corps du défunt (deux coupes sous le fémur gauche et sous la main droite, une coupe à vernis noir sous le bassin et le bras droit et une seconde partiellement engagée sous l’humérus) permet de restituer la présence d’un support – un lit – en matériau périssable sur lequel était étendu le défunt et qui recouvrait une partie du mobilier funéraire. Des aménagements de ce type ont aussi été identifiés dans les sépultures 12, 14, 19 et 27 (cliché, M. Della Casa). Fig. 15 – Monterenzio Vecchia. Tombe 1, reconstitution (le canthare étrusque coiffant l’olla apparaît en transparence sous le casque qui le recouvre; conception et photographie, Sébastien Pons). souvent une ou deux coupelles (diam. 6 à 8 cm) ainsi qu’un grand contenant, en général une olla à deux anses, plus rarement un cratère. On ne trouve en revanche aucune amphore contrairement à ce que l’on peut observer dans les usages funéraires sénons des Marches ou à Adria, en Vénétie. A ce répertoire de formes, il faut ajouter une coupe à boire, une kylix pour les hommes, un skyphos pour les femmes (avec de rares exceptions, tombes 5, 21 et 22; sur la signification de telles exceptions également constatées à Monte Bibele, voir Vitali 1987). Des coupes à pied figurent dans un tiers des tombes, leur nombre variant de un à trois exemplaires. Le service à boisson comporte aussi parfois un gobelet à puiser en terre-cuite – dans environ un . tiers des cas – dont la fonction paraît analogue à celle des kyathoi en bronze. Enfin, il faut signaler la présence de mortiers. Il s’agit d’une forme ouverte caractérisé par un fond «a grattugia». La vasque, le plus souvent simple, est parfois pourvue d’anses et de bec verseur. Deux types de pâte sont distingués, les pâtes orangées qui correspondent aux formes simples anciennes et les grises plus complexes et évoluées. Ces vases liés à la préparation des aliments, devaient remplir ici une fonction bien précise puisqu’on ne les trouve que dans les tombes masculines. Leur présence n’est donc pas nécessairement liée au rituel du banquet. Cet usage, étranger au rituel funéraire étrusque contemporain, a en revanche probablement été hérité de leurs voisins Ombriens où 201 l’on trouve de nombreuses similitudes (par exemple la nécropole de Montericco à Imola, Von Eles 1981). Le vaisselier de base se présente en règle générale comme un service double, voire triple. Si la duplication du mobilier céramique est typique aussi de la plupart des tombes de Monte Bibele, surtout au IVe siècle (avec deux gobelets, deux plats, deux grandes coupes, deux coupes de taille moyenne et parfois deux plus petites) le triplement de certaines formes (plats à pied, grandes coupes à vernis noir surtout, coupes moyennes, coupes à pieds) paraît plus fréquent à Monterenzio Vecchia. La duplication du service implique la participation au rituel du banquet d’un second convive, le conjoint ou un parent, qui s’unit ainsi au défunt. D’autres formes, rares, sont également attestées comme les cruches (tombes 2, 5 et 16 avec deux exemplaires pour la dernière) et les canthares (tombes 1, 2 et 7). L’amphorisque et l’askos zoomorphe présentes dans les tombes 7 et 2 sont sans équivalent à Monte Bibele et plus généralement dans la région. Si le cérémonial du banquet représente un moment important du rituel funéraire, la généralisation de cette pratique souffre toutefois d’exceptions notables comme l’incinération 28 qui contient les restes d’un guerrier adulte. L’unique vase déposé dans la tombe, un petit pot fermé, était associé à un nécessaire de toilette. Ce traitement particulier qui prohibe toute référence au banquet, a également été observé à Monte Bibele. Il n’est pas lié au rituel de la crémation puisque les deux autres incinérations connues – les tombes 16 et 32 – disposent de services complets. Les raisons de cette différence restent à éclaircir. On peut penser à un individu de statut particulier même si la position de la tombe n’en laisse rien paraître et que son équipement personnel – armes et nécessaire de toilette – ne le distingue en rien de ses pairs. La composition et l’abondance du mobilier céramique varient également en fonction de l’âge des défunts. Les tombes d’adolescents se signalent par un nombre de vases plus restreint, une dizaine tout au plus. On trouve là quelques unes des formes attestées dans les tombes d’adultes comme le skyphos qui renvoie à l’univers féminin ou les gobelets en céramique grossière. Les sépultures d’enfants ou de nouveaux nés se caractérisent en revanche par un mobilier extrêmement réduit qui présente, à côté de quelques objets de parure, un ou deux vases miniatures (voir MEFRA 2002). Il arrive aussi que des vases miniatures figurent dans les mobiliers de femmes adultes (tombe 2). Dans ce cas là, ils ne sont pas mêlés aux autres vases mais directement associés au défunt, placés sur la poitrine ou près de la main. . Si la majorité des vases renvoient à l’univers du banquet, toutes les formes n’ont pas loin s’en faut une fonction alimentaire. C’est le cas des vases déposés à l’écart, près des pieds (une coupe ou un petit vase fermé). Leur proximité immédiate avec les instruments de toilette permet d’envisager pour ces récipients un usage plus probablement lié aux soins corporels. On peut le supposer aussi pour quelques formes particulières comme le lekythos qui, d’ordinaire, contient l’huile ou le parfum lié à la cérémonie funéraire (tombe 2). Il en va de même du petit vase à corps globulaire fragmenté de la tombe 24, semblable à ceux qu’on l’on trouve à Monte Bibele dans les contextes féminins associés aux fusaïoles et aux restes de quenouilles, ou encore le rasoir des ensembles masculins. Autour du cérémonial funéraire On l’a vu, tous les vases n’étaient pas destinés au service de table. Certains ont été utilisés comme vase à parfum ou en relation avec les soins corporels. On peut de la même façon se poser la question au sujet de certaines formes particulières comme les gobelets en céramique grossière. Ces récipients haut de 10 à 15 cm, avec ou sans éléments de préhension, sont toujours fabriqués de la même manière et se distinguent très clairement du reste de la production. Leur aspect fruste est une constante qui répond très certainement aux impératifs du rituel funéraire lui-même. Si les vases liés aux soins corporels sont placés à l’écart, il n’en va pas de même des gobelets qui sont toujours associés au service de table. Ils figurent dans toutes les tombes, exceptées celles des enfants morts en bas âge. Ils sont généralement au nombre de deux. À ces caractéristiques s’en ajoutent d’autres qui confortent l’idée d’une utilisation distincte du service de table. En effet, on a pu observer que ces gobelets présentent aussi parfois à l’intérieur des traces de brûlé et qu’ils sont fréquemment brisés au moment du dépôt. Les morceaux sont selon les cas regroupés ou dispersés. Les autres formes ne portent que très exceptionnellement des marques de bris volontaire. Dans d’autres cas, le fond est simplement perforé et la partie manquante jamais retrouvée (lacunes de forme plus ou moins triangulaires ou losangées, fig. 16). On notera enfin que ces gobelets de facture volontairement grossière trouvent une nouvelle fois des analogies dans les usages funéraires ombriens de Romagne (par exemple, la nécropole de Montericco à Imola) alors qu’ils paraissent absents des contextes funéraires étrusques padans. La nature de la pâte, le bris ou la perforation et les traces de brûlé nous conduisent à rejeter l’idée de 202 Bolsena le attività svolte presso il laboratorio di archeologia Chronique Fig. 16 – Monterenzio Vecchia. Tombe 3. Gobelet en céramique grossière avec lacune ancienne de forme losangée sur le fond (cliché, M. Della Casa). vases à boire et nous incite davantage à voir dans ces objets des ustensiles liés à la cérémonie funéraire (brûleparfum, etc.). Cet aperçu des études céramologiques en cours permet de mesurer l’importance du corpus et d’illustrer l’étendue du répertoire des formes. Il permet aussi de préciser le rôle de la vaisselle domestique – la plupart des formes sont en effet attestées dans l’habitat contemporain de Pianella di Monte Savino à Monte Bibele – dans le processus qui les conduit dans la tombe, avec le défunt. Il convient aussi de rappeler que dans ce domaine, les Boïens de l’Idice, pas plus que leurs proches voisins de Bologne, ne semblent pas avoir cultivé la tradition des céramistes nord-alpins. La prépondérance du monde étrusque est en revanche particulièrement évidente dans les usages de table. Il conviendra toutefois de s’interroger sur les variations constatées dans la composition de certains services (service complet, réduit ou absence). Il faut enfin insister sur les rapports étroits qui lient certains usages particuliers (par exemple concernant l’emploi du mortier ou des gobelets à pâte grossière) au monde ombrien (à la nécropole de Montericco à Imola déjà signalée, il faudrait joindre celle de Colfiorito di Fologno, en Ombrie; Bonomi Ponzi 1997). Ces pistes de recherches rapidement esquissées feront l’objet d’une enquête approfondie. Le choix des récipients, leur fonction et leur mise en scène dans la tombe, sont autant d’éléments à prendre en considération. Il importera également de préciser les modes de fabrication et l’origine des pièces exogènes (les vernis noirs, les vases étrusques à figure rouge, les pâtes claires de la côte haut-adriatique, etc.). L’analyse des traces d’usures et de réparation visibles sur de nombreux vases permettra aussi d’en préciser le mode d’utilisation. Si les vases de la nécropole de Monterenzio Vecchia n’ont pas restitués d’inscription contrairement à ceux de Monte Bibele (à l’exception d’une coupe où l’on peut lire les lettres SA) on trouve sur la plupart des grafitti constitués de motifs géométriques, utilisés seuls ou combinés avec d’autres de manière à former des figures plus complexes (étoiles, pattes à trois branches, croix, etc.). Ces marques qui sont souvent reproduites à l’identiques sur plusieurs vases de la même tombe, feront aussi l’objet d’un examen détaillé. Mélissa DELLA CASA ; Thierry LEJARS ; Venturino NALDI ; Stéphane VERGER ; Daniele VITALI BOLSENA. LE ATTIVITÀ SVOLTE PRESSO IL LABORATORIO DI ARCHEOLOGIA : STUDI DI MATERIALI PROVENIENTI DAGLI VECCHI SCAVI DELL’ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME A BOLSENA École française de Rome, Università degli studi di Roma-La Sapienza et Sopraintendenza per i beni archeologici per l’Etruria meridionale Nel 2006-2007, il Laboratorio di archeologia ha accolto sei studenti della Cattedra di Etruscologia ed archeologia italica (Università La Sapienza) che hanno preparato le loro tesi, una di Specializzazione e cinque di laurea triennale, sotto la direzione della Prof.ssa G. Bartoloni. Sono stati studiati diversi complessi di materiali inediti, provenienti da saggi ed esplorazioni realizzati da R. Bloch nel territorio di Bolsena o di incerta provenienza, di cui ne presentiamo una sintesi. Martine DEWAILLY . MEFRA – 121/1 – 2009, p. 255-360. Activités archéologiques de l’École française de Rome Chronique Année 2008 269 MONTERENZIO (PROV. DE BOLOGNE). LA NÉCROPOLE CELTO-ÉTRUSQUE DE MONTERENZIO VECCHIA : ARCHÉOTHANATOLOGIE ET PALÉOPATHOLOGIE Université de Bologne, École normale supérieure (Ulm)-UMR 8546 du CNRS et École française de Rome La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia a livré une quarantaine de tombes fouillées entre 2000 et 2005 et les restes plus ou moins bien conservés d’une demi-douzaine d’ensembles supplémentaires récupérés dans les labours en 1988. Il faut ajouter à cette liste divers vestiges trouvés fortuitement dans les années 1880, qui témoignent d’une nécropole beaucoup plus importante à l’origine. Les premières études sur le matériel céramique et le mobilier métallique indiquent une période d’utilisation relativement courte, que l’on peut situer entre la fin du IVe siècle et le début IIIe siècle av. J.-C. Il s’agit d’une phase particulièrement faste de la civilisation celtique en Italie du nord, illustrée notamment par les grandes tombes fouillées au XIXe siècle à Bologne. Installée sur le flanc sud-occidental de la colline, la nécropole est située à proximité d’un habitat étrusque (fouillé par l’Université de Bologne, sous la direction de D. Vitali) dont on commence à deviner l’importance mais dont on ne connaît pour le moment ni l’ampleur ni les limites. L’examen préliminaire de la céramique indique toutefois que son implantation précède l’installation de la nécropole celto-étrusque d’environ un bon siècle. Le complexe archéologique domine les vallées de l’Idice à l’ouest et du Sillaro à l’est. La proximité de la via Flaminia minor, une des principales voies de communication antiques reliant la région padane à l’Étrurie interne, conférait à cet établissement une importance stratégique de premier plan. Sa position dominante et sa localisation à mi-chemin entre la plaine du Pô au nord et les cols toscans au sud, en faisaient une place remarquable bien que non fortifiée. Cet établissement est contemporain de l’ensemble voisin de Monte Bibele, également connu pour son importante nécropole celto-étrusque. Nous ne reviendrons pas ici sur les principales caractéristiques de cet ensemble qui ont déjà été amplement décrites dans les précédents comptes-rendus (cf. MEFRA, 2001 à 2006), ni sur les principales catégories de mobiliers qui ont aussi fait l’objet d’une présentation sommaire dans les précédents numéros (cf. MEFRA, 2007 à 2008). Nous nous limiterons au rappel de quelques faits importants qui font aussi l’originalité d’un tel ensemble. Signalons tout d’abord l’abondant matériel métallique qui provient pour l’essentiel des équipements militaires. C’est là que se concentre l’essentiel du mobilier de tradition celtique (épées, fourreaux et ceinturons, boucliers et lance) alors que dans les autres domaines les influences étrusque et italique restent prégnantes (armes défensives, parures féminines, nécessaires de toilette, ustensiles et services de table). La population funéraire est dominée, et c’est là assurément une des originalités du site, par l’importance des hommes armés qui représentent plus de 40% de l’effectif total. Il convient aussi d’insister sur le nombre relativement élevé des individus jeunes (une dizaine d’adolescents et d’enfants en bas âge). C’est sur ce point, par le biais de l’enquête anthropologique, que nous souhaitons attirer maintenant l’attention. Cette contribution a pour objectif de montrer comment le travail a été mené et d’en présenter les principaux résultats. L’enregistrement des données in situ, commencé par P. Charlier (2000 à 2003), a été poursuivi par C. Gentili (2004 et 2005). La fouille menée en collaboration avec les archéologues répond aux exigences de l’anthropologie de terrain développée par Henri Duday (fouille, relevé et démontage des restes osseux, Duday 1990 et 2005), tandis que l’étude post-fouille se fondait autant sur la détermination de constantes physiques (sexe, âge, stature) que la recherche de variations anatomiques et de lésions pathologiques (Crubézy 1999; Charlier 2005 et 2008). La présence du paléopathologiste sur la fouille même et sa participation active aux diverses phases de travail a permis de développer une véritable «paléopathologie de terrain» autorisant le recueil de calcifications biologiques in situ (fig. 17), l’observation de lésions sur des restes particulièrement friables dont la conservation n’aurait pas été possible jusqu’au laboratoire, et la réalisation de prélèvements dirigés à visée toxicologique, anatomopathologique et parasitologique. Caractéristiques physiques : âges et statures des défunts Un total de 40 individus (37 inhumations et 3 crémations) a été exhumé depuis 1988 (tableau 1). La morphologie des sépultures correspond grossièrement à une fosse rectangulaire de 2,50 mètres de long sur 1,5 de large. La profondeur est variable et dépend du niveau d’arasement. Le corps est étendu sur le dos, la tête au Nord-Est, et plaqué contre la paroi rocheuse sur son côté gauche. Des traces de coffrage en bois de la tombe et de planche placés sous le cadavre ont quelquefois été observées (pour une description plus complète de l’aménagement de la tombe, voir les Chroniques, publiées dans les MEFRA 2001, 2002 et 2003). 270 La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique Fig. 17 – Monterenzio. Calcifications carotidiennes isolées sur le squelette du sujet MV 31. Pour les quarante sujets de Monterenzio Vecchia, on dénombre : trente-sept individus inhumés et trois crémations (plus une quatrième non conservée), correspondant à vingt-sept adultes certains, un adulte probable et onze immatures. La détermination sexuelle suit les critères définis par Jaroslav Bruzek (Bruzek 1991) où seul le bassin a été pris en compte. Concernant les autres données anthropologiques physiques, l’évaluation de l’âge au décès est réalisée selon les recommandations de Denise Ferembach tenant compte du degré de maturation des cartilages de croissance, de synostose crânienne, d’usure occlusale, d’arthrose, etc. (Ferembach 1979). Enfin, la détermination des modes de crémation a été réalisée selon la méthode de P. Shipman (Shipman 1984). Quatorze sujets sont anthropologiquement masculins. Trois individus sont considérés masculins sur la base du mobilier archéologique associé. Dix individus sont anthropologiquement féminins. Le sexe de treize sujets n’a pu être déterminé (crémations et immatures principalement). TABLEAU 1 – Répartition anthropologique des sujets de Monterenzio Vecchia (les individus de plus de 16 ans reprennent les sujets de 16 à 45 ans et ceux de plus de 45 ans, plus les sujets adultes difficilement classables, c’est-à-dire dont on peut seulement dire qu’ils ont plus de 16 ans) Sexe < 16 ans 16 – 45 ans > 45 ans > 16 ans Femmes – 2 8 10 Hommes – 10 4 14 + 3 11 – 1 1+1 Indéterminable Si le monde des morts ne reflète pas forcément celui des vivants, on peut tout de même noter que dans cette nécropole, une majorité d’hommes meurent à un âge adulte jeune (16-45 ans), tandis qu’une majorité de femmes meurent à un âge adulte mature (après 45 ans). Une telle distribution s’explique classiquement par des faits de guerre qui fauchent la vie des hommes jeunes, les décès féminins avant 45 ans étant principalement dus aux complications des grossesses. La stature moyenne des hommes a été évaluée à 170,3 cm (à partir de 13 individus), contre 162 cm pour les femmes (à partir de 10 individus), soit un échantillon total d’examen de 23 sujets sur 40 (la stature de chaque individu a été mesurée selon les tables anatomiques de Trotter et Gleser [Trotter, 1952], à partir des mensurations des os longs complets). Il existe un net dimorphisme sexuel puisque 8,3 cm séparent les valeurs des deux genres sur le site. Archéothanatologie L’étude taphonomique des restes inhumés vise à préciser, par un examen rigoureux de la position des ossements, la manière dont les défunts ont été placés dans la tombe. Cette démarche permet de dégager les traits marquants, accidentels ou intentionnels, et de rechercher au-delà des faits individuels les éléments récurrents qui nous renseignent sur les choix opérés par les membres de la communauté. L’analyse a permis d’isoler un certain nombre de constantes qui ouvrent sur une véritable typologie comportementale. Conservation du matériel Les sépultures fouillées entre 2000 et 2005 n’ont pas été bouleversées ou altérées, et dans la plus grande partie des cas il est possible d’apprécier les connexions anatomiques. Il est intéressant de remarquer, à ce titre, la présence des patellas en place, dans presque toutes les sépultures. Habituellement, avec la décomposition en espace vide les patellas tendent à se détacher et souvent glissent le long des tibias ou sur les côtés, mais ces phénomènes sont très variables et dépendent de la position des membres, du degré de rotation du fémur et des autres éléments qui peuvent interagir. Le terrain n’est pas particulièrement acide et cela a sûrement favorisé la bonne conservation du matériel ostéologique. Malgré cela, il faut signaler dans certains cas l’absence complète de plusieurs os comme les phalanges des mains ou des pieds. Si la perte des petits os est assez fréquente, il n’en va pas de même des os longs ou de certaines parties anatomiques comme le thorax des inhumés des tombes 271 19 et 31 où il n’a été trouvé aucune trace des côtes et du sternum. L’hypothèse d’une réduction ou de manipulation étant exclue, nous sommes tentés d’attribuer la cause de leur disparition à l’acidité des fluides de décomposition, souvent destructive pour les os. Il faut ajouter à cela l’action corrosive du mobilier environnant, en particulier des objets en fer. Échantillons sélectionnés pour l’analyse 22 tombes correspondant à 20 adultes (8 femmes et 12 hommes) et deux adolescents ont pu être étudiées de façon systématique. Ont été exclus de cette évaluation les tombes 11 et 34, qui ont été détruites, ainsi que les quatre incinérations (tombes 6, 16, 28 et 32). Les inhumations d’enfants (tombes 13, 17, 18, 23, 24, 29, 33, 35, 37) considérant qu’il est souvent difficile d’évaluer la position exacte des ossements du fait de la labilité des connexions anatomiques, n’ont pas été pris en compte à ce stade de l’étude. Seules deux d’entre elles ont été retenues dans les décomptes finaux, dans la mesure où le caractère examiné s’est révélé probant. Position de la tête 15 des 31 sépultures examinées montrent une nette inclinaison latérale gauche du crâne (t. 1, 2, 5, 7, 8, 10, 11, 19, 22, 26, 27, 31, 33, 36, 37) et 7 sont en position axiale (4, 9, 15, 20, 21, 29, 30). La tête est tournée vers la droite dans un cas seulement (14) et 8 sont indéterminés (3, 13, 17, 18, 23, 24, 25, 35). Sont inclues ici les enfants, même si, dans ce cas, l’inclinaison de la tête a simplement été déduite de la position de la mandibule et de la face d’apparition des os crâniens; l’absence de calcification des os de la zone cervicale ne permet pas une évaluation correcte (Duday 2007 : 105). Sur la base des résultats obtenus nous pouvons exclure l’éventualité d’un mouvement accidentel survenu après le dépôt du corps ou causé par l’effondrement de la sépulture. On peut en revanche supposer que l’inclinaison de la tête vers le côté gauche résulte d’un acte intentionnel qu’il faut situer au moment de l’inhumation. du bassin et le déplacement de la colonne vertébrale sont les principaux indicateurs retenus. En ce qui concerne les membres supérieurs, le mouvement de rotation, qui touche plus particulièrement les humérus, a été constaté dans les tombes 8, 9, 17, 22, 26, 27 et 30. La tombe 22 est un exemple intéressant puisque que la rotation latérale, provoquée par la présence d’un vase placé sous l’extrémité distale de l’avant-bras, a entraîné la totalité du membre (fig. 18). Le cas le plus fréquent, lié au bras droit, est l’indice d’un important espace vide de ce côté. La rotation du membre gauche n’est attestée que dans deux cas seulement (tombes 26 et 27). Cela s’explique dans la mesure où les inhumés n’étaient pas directement placés contre la paroi de la fosse. La fréquence avec laquelle ce phénomène se vérifie pour l’humérus ne laisse aucun doute quant à l’existence de vides dans l’environnement immédiat du défunt. L’ouverture du bassin a pu être vérifiée chez tous les adultes examinées. Ce critère est le principal indicateur d’espace vide de décomposition. La même recherche a été effectuée pour les sépultures d’enfants mais, comme on pouvait s’y attendre, l’enquête n’a pas fourni de bons résultats soit en raison de la mauvaise conservation des restes osseux soit parce que l’absence de calcification a empêché une appréciation correcte de ce critère. Le déplacement de la colonne vertébrale est une autre caractéristique des sépultures en espace vide. Cela se traduit par la formation de segments vertébraux, en parfaite connexion anatomique, distincts d’autres parties déplacées. Dans huit sépultures, sept adultes et un adolescent, l’alignement caractéristique de la colonne vertébrale présente un tracé sinueux (les tombes 7, 30 et 36, la tombe 2 dont subsiste seulement la partie cervicale, et enfin les tombes 10, 12, 19 et 27, qui sont plus Les ossements trouvés en dehors du volume initial du cadavre Ce phénomène multiforme concerne toutes les parties du squelette. La mise en évidence de ces déplacements induit la présence d’espaces vides au moment de la décomposition. Les os désarticulés se meuvent alors en fonction des vides, des pendages et des contraintes occasionnées par les objets et obstacles environnants. Cela se traduit par des déplacements et des changements d’orientation. La latéralisation de l’humérus, l’ouverture Fig. 18 – Monterenzio. Le sujet de MV 12 en cours de dégagement. 272 La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique particulièrement affectées dans la zone correspondant au segment convexe de la lordose lombaire). Dans les cas où les individus présentaient une position axiale des segments vertébraux, le déplacement partiel d’éléments isolés a fréquemment été constaté. Ce phénomène dépend des mécanismes qui agissent au niveau des disques intervertébraux pendant la décomposition en espace vide. Les anomalies fréquemment constatées au niveau du rachis confirment une fois encore que la décomposition s’est effectuée en espace vide. Dans certains cas particuliers la disposition anormale des vertèbres indique que le corps se trouvait surélevé par rapport au fond de la fosse. Ce constat répété vient confirmer l’hypothèse déjà avancée de la présence d’une litière aménagée ou d’un brancard constitué uniquement de matériaux périssables. C’est ce qu’indiquent également les vases qui ont été parfois placés sous le corps du défunt (tombes 1, 4, 20 et 32). Ont-ils été utilisés pour caler la planche comme ce fut certainement le cas de pierres trouvées au fond des fosses 7 et 36? Nous ne saurions l’affirmer, mais peut-être vaut-il mieux imaginer dans ce cas de véritables supports en matériau périssable. Contraintes exercées sur le corps et effets de paroi Les contraintes exercées sur le corps sont nombreuses et diverses. Il faut signaler en premier lieu la «médialisation» de l’humérus avec rotation vers l’intérieur de la cage thoracique, parallèlement à la colonne vertébrale, tandis que la scapula se présente en vue postérieure et la clavicule glisse de manière à s’aligner le long du rachis. L’échantillon examiné comprend des adultes et des adolescents (tombes 2, 7, 12, 19, 20 et 31). Dans ce cas, il a été nécessaire d’analyser chaque situation pour pouvoir déchiffrer la nature du phénomène et repérer les particularités comme les exceptions. La première remarque est liée au fait que la médialisation de l’humérus caractérise avant tout les ensembles féminins. La tombe 12 qui appartient à un individu masculin, est l’unique exception. Si ce phénomène intéresse principalement les tombes de femmes, il ne s’agit nullement d’une prérogative absolue, dans la mesure où les exceptions féminines ne manquent pas (tombes 4, 9 et 14). La mise en évidence de ce phénomène induit l’existence d’un élément contraignant qui a conditionné la position définitive des membres supérieurs. Dans ce cas, il ne s’agit pas de la paroi de la fosse ou de la structure protectrice en bois, mais plus probablement d’un vêtement, un habit ou un linceul, très serré qui enveloppait le corps de la défunte. L’échantillon est cependant trop faible pour que l’on puisse généraliser ce trait et en faire un marqueur spécifiquement féminin. Que les femmes aient été vêtues et parées ne fait aucun doute comme l’indiquent les bijoux trouvés au niveau du cou, des épaules et de la tête. On ne trouve en revanche aucun élément de ceinture et les parures annulaires, de bras et de jambes, font complètement défaut. La rotation interne de l’humérus est liée à la position de la main et dépend par conséquent de la position du membre tout entier. Les mains, malgré un état de conservation souvent partiel, n’en livrent pas moins de précieuses informations. Elles sont souvent placées sur les hanches. Dans certains cas, cette situation ne s’observe que pour la main droite, par exemple dans les tombes 2, 19, 20 et probablement aussi en 7 (les mêmes que précédemment), alors que dans les tombes 12, 21 et 30 c’est la main gauche qui est posée sur la hanche. Seul le défunt de la tombe 31 avait les deux mains posées sur les hanches. Le dernier point intéresse la position des pieds. Le calcanéum et le talus (talon et astragale) se présentent en vue latérale indiquant par là qu’ils ont subi, par rapport à la position anatomique normale, une latéralisation. Ce mouvement a entraîné le pied en entier, y compris les métatarses qui apparaissent en connexion et sont orientés vers l’axe médian intérieur. Ceci semble impliquer la présence d’un élément qui a contribué à maintenir les os du métatarse dans leur position initiale malgré la rotation du pied. Cette situation n’est pas conforme aux règles de la décomposition en espace vide, puisque les os du pied tendent habituellement à se disloquer du fait de la labilité des articulations, à moins de supposer qu’ils aient été maintenus ensembles par un élément contraignant. Sur les 22 cas examinés, ce phénomène est attesté 8 fois (tombes 2, 4, 8, 10, 21, 22, 30 et 36), 2 sont douteux (tombes 9 et 15), 3 paraissent bouleversés (tombes 5, 12 et 27) et 9 n’ont pu être déterminés (tombes 1, 3, 7, 14, 19, 20, 25, 26 et 31). Les ensembles douteux sont ceux pour lesquels il existe des indices de probabilité, mais qui peuvent également être imputés à d’autres facteurs comme les objets déposés à proximité. Le groupe des «indéterminés» est constitué des ensembles où les os du pied sont complètement absents (tombes 14, 26) ou présents en nombre insuffisant. Le fait que le phénomène ait été constaté dans la majeure partie des cas (les enfants ne sont pas inclus) indique qu’il s’agit donc d’une situation plus normale qu’insolite, d’autant plus si l’on considère que la récupération des os de petites dimensions est toujours très problématique. 273 Nous pouvons proposer différentes hypothèses pour expliquer cette contrainte, mais la plus plausible et la plus simple est que les pieds des défunts étaient chaussés au moment de l’inhumation. Cette situation indique donc la présence d’un comportement rituel qui trahit le soin et l’attention portée aux disparus. Pour autant, le rôle de la décomposition des pieds est un phénomène encore mal connu, en raison de la variabilité des situations et de la petite taille des ossements qui favorise des déplacements de toutes sortes (il faut tenir compte de la morphologie des chaussures mais aussi de l’activité des animaux fouisseurs qui occasionnent parfois d’importantes perturbations). Verticalisation des clavicules Ce phénomène implique l’ensemble formé par la clavicule, l’humérus et la scapula, autrement dit l’épaule toute entière. C’est un bon indicateur pour déterminer l’espace de décomposition. Il est provoqué par une compression transversale au niveau de l’épaule et touche suivant les cas un seul ou les deux côtés à la fois. Cela provoque la rupture des ligaments de l’épaule avec pour conséquence le rapprochement des clavicules qui viennent se placer contre la colonne vertébrale, la rotation de l’omoplate qui se met en position oblique par rapport au plan d’appui et la médialisation des humérus. Ce phénomène peut s’interpréter de différentes manières. Il peut s’agir d’un dépôt en pleine terre avec une forte pression des sédiments de remplissage ou en espace vide avec des éléments contraignants (cercueil étroit, linceul, etc.). Il convient donc de prendre en compte l’ensemble des informations archéologiques, en particulier celles qui concernent les caractéristiques de la fosse et de son contenu. Ici, les sépultures où la verticalisation de la clavicule est manifeste sont au nombre de 9, 10 autres sont indéterminables et 3 présentent la clavicule en position parfaitement horizontale. Le cadavre est toujours placé le long de la paroi orientale qui constitue de ce fait une limite infranchissable. Ce n’est donc pas un hasard si le phénomène se vérifie exclusivement sur le côté gauche c’est-à-dire celui correspondant justement à la limite orientale de la fosse (ou plus exactement du coffre funéraire). Suivant les cas, l’inclinaison de la clavicule varie plus ou moins fortement. Elle dépend d’une part de l’écart qui sépare le cadavre de la paroi et d’autre part des éléments du mobilier comme les armes qui sont fréquemment placées le long du défunt, sur le côté gauche. Seul l’inhumé de la tombe 5 présente une clavicule verticale parfaitement parallèle au tracé de la colonne vertébrale. L’ampleur de la contrainte est également perceptible dans la position du bras gauche. Bilan taphonomique L’examen des restes osseux du complexe sépulcral de Monterenzio Vecchia a permis de montrer la récurrence d’un certain nombre de caractères taphonomiques. Ces marqueurs sont des indices précieux qui ouvrent sur une nouvelle lecture des gestes funéraires. Ils nous renseignent sur les comportements des membres de la communauté et suppléent les carences de l’enquête archéologique traditionnelle en livrant de nouvelles hypothèses qui viennent confirmer ou infirmer les analyses antérieures. Posséder de nouvelles méthodes d’interprétation signifie avoir davantage de possibilités pour approcher une meilleure compréhension du contexte funéraire. Parmi les inhumés de la nécropole de Monterenzio on a pu relever que la rotation de la tête des individus adultes vers la gauche survient dans près de la moitié des cas. Il convient de se demander si cela est dû au hasard, ou traduit un geste intentionnel, et dans ce cas, quel sens faut-il lui donner? La position des os du pied, en connexion partielle et tourné vers l’intérieur, illustrée par l’individu de la tombe 36, ne représente pas un cas isolé dans le contexte de la nécropole. Des positions analogues caractérisent pas moins de 8 autres inhumés; dans les autres cas, ce phénomène n’est tout simplement pas démontrable en raison des perturbations. On peut donc supposer dans un certain nombre de cas que les individus étaient habillés et chaussés. Un autre type de contrainte est la médialisation de l’humérus qui a été constaté dans près d’un tiers des cas, un phénomène qui intéresse principalement les sujets de sexe féminin. Cette situation pourrait indiquer un comportement rituel spécifique qui concerne principalement les femmes. Cela peut résulter de la présence d’un cercueil ou d’un habit particulièrement serré qui enveloppait complètement le corps de la défunte. Pour aller plus avant dans notre questionnement quant à la nature de ce costume, il importera d’examiner en détail les données iconographiques contemporaines. L’analyse taphonomique, en questionnant chacune des composantes anatomiques et en relevant les indices de déplacements, de compressions, de perturbations, etc., livre des information essentielles qui permettent de reconstituer certains aspects concernant les modalités d’inhumation. Elle permet de faire la part des choses entre ce qui relève de l’accidentel et ce qui est de nature intentionnelle. Elle permet de restituer une gestuelle funéraire qui devra être confrontée avec les autres données issues de l’étude du contexte et du mobilier. 274 La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique Études ostéo-archéologiques La paléopathologie, c’est-à-dire la recherche de lésions pathologiques sur les restes humains provenant de fouilles archéologiques, participe, comme l’anthropologie physique, à la reconstitution de l’état de santé des populations du passé, mais répond également à une problématique sociologique : elle apprécie le degré d’invalidité des individus (évaluant ainsi la prise en charge médicale et/ou sociale des infirmes); elle diagnostique des maladies liées au contact avec certains animaux (brucellose pour les ovins ou les caprins, etc.) ou à certaines conditions climatiques (paludisme, bilharziose, etc.); elle met en évidence des maladies héréditaires qui permettent de poser des liens familiaux entre squelettes; elle peut permettre de déterminer le sexe d’un individu grâce à l’observation de maladies spécifiques d’un genre (fibrome utérin calcifié, par exemple) lorsque le matériel archéologique reste non spécifique. L’étude qui suit intègre les ensembles osseux récupérés en 1988 (notés alphabétiquement). Paléodontologie Cette étude a porté sur 13 sujets masculins et 10 sujets féminins dont la dentition était analysable. L’examen a été systématique : ont été relevés le nombre de pertes dentaires ante-mortem (Steckel 2002), le degré d’usure occlusale selon l’échelle de Brothwell (Brothwell 1972), la fréquence des caries, abcès et cassures dentaires, puis les anomalies de répartition et de morphologie des dents. L’usure occlusale moyenne par individu était de 3+ pour les hommes et 4+ pour les femmes (cette différence s’expliquant par l’ancienneté relative plus importante des femmes vis-à-vis des hommes dans la nécropole). De la même façon, les pertes dentaires ante-mortem étaient nettement plus importantes sur les squelettes féminins (en moyenne 5,5 dents perdues ante-mortem par individu, mais 1,1 dent par homme et 11,3 dents par femme, soit un rapport de 1 à 10!). Les caries étaient plus fréquentes en position postérieure (2e prémolaires et molaires, tant mandibulaires que maxillaires) avec en moyenne 2 caries par individu et à nouveau une prédominance féminine des lésions (1,5 carie par homme contre 2,9 caries par femme). Ces valeurs indiqueraient une économie mixte ou agropastorale (Cohen 1984). Il existait en outre 0,3 abcès apical par individu, tous sexes confondus : cette faible fréquence, en comparaison avec l’important nombre de caries, pourrait s’expliquer par des extractions dentaires dirigées empêchant le développement de complications infectieuses loco-régionales. Un seul cas d’activité dentaire extra-alimentaire a été noté; il intéressait l’individu MV 7, une femme adulte mature. L’examen paléopathologique complet n’a pas permis de déterminer avec plus de précision l’activité de ce sujet. Il existait 0,4 cassure dentaire par individu, tous sexes confondus. Il est très probable que l’importante fragilité dentaire due aux fréquentes caries au sein de cette population en soit un facteur favorisant. L’examen des restes archéo-zoologiques a montré (Méniel 2003) l’existence d’une importante fragmentation osseuse au niveau des découpes. D’autre part, la répartition anatomique des cassures dentaires diffère entre sexes : dents postérieures touchées de façon prédominante chez les hommes; arcade dentaire antérieure chez les femmes (bloc incisivo-canin). Ceci pourrait impliquer des mécanismes différents d’apparition des cassures entre sexes : fragments osseux ou cristallins dans la nourriture pour les uns, traumatismes directs pour les autres, par exemple. Des dépôts de tartre dentaire ont été mis en évidence chez de nombreux sujets (en excluant les individus crémés et édentés : MV 4, MV 7, MV 9 et MV 14). S’il n’existait pas de face dentaire prédominante, on notait en revanche que l’importance du dépôt de tartre augmentait avec l’âge. Il existait 9 femmes atteintes sur 10 et 11 hommes sur 17, soit une nette prédominance féminine. Cette différence était-elle d’origine alimentaire (régime féminin plus riche en résidus inframillimétriques adhérents aux surfaces occlusales? aliments de plus grande viscosité?) ou liée uniquement à la répartition démographique? Parmi les malpositions dentaires, une dent 33 hors de l’arcade dentaire a été observée chez deux sujets contigus de la nécropole : MV 1 et MV 2, suggérant un regroupement familial entre ces deux individus. On sait en effet que la transmission des malpositions dentaires peut suivre les lois de l’hérédité, donc se transmettre de génération en génération (Hadjouis 1999). Deux cas d’extension inter-radiculaire de l’émail ont été isolés, pour 2 squelettes contigus (MV 21 et MV 22). Compte tenu du caractère épigénétique connu de ce trait anatomique et du regroupement des 2 cas au sein de la nécropole, il est tentant de proposer un lien familial fort entre les deux individus (Crubézy 1999). Néanmoins, certains sujets totalement édentés pourraient avoir possédé ce caractère discret, mais la chute des dents nous prive désormais de son identification. 275 Paléopathologie Maladies dégénératives L’ensemble des lésions dégénératives (arthrose) a été détecté et relevé, puis coté en fonction de l’importance des ostéophytes et de la présence de géodes et d’éburnation (sévérité de 1 à 3). À travers cet indicateur, il a été possible de déterminer l’intensité de l’activité physique développée par l’individu au cours de sa vie quotidienne, principalement lors de ses activités professionnelles. Il est ainsi apparu que : – L’atteinte prédominante est l’articulation coxofémorale, ce qui n’a rien d’étonnant dans un contexte montagneux; cette articulation est en effet très sollicitée lors du gravissement et de la descente des pentes. Une autre topographie touchée d’une façon prédominante par les lésions dégénératives est la colonne vertébrale. – On retrouve également une différence de répartition des lésions arthrosiques périphériques entre genres (différenciation sexuelle des activités quotidiennes). Cette variation d’intensité de l’arthrose d’un site anatomique à l’autre et d’un sexe à l’autre semble indiquer l’existence d’activités propres à chaque sexe, ce que l’anthropologue Martin appelait des «occupations féminines et masculines» (Martin 1979). – L’âge moyen d’apparition des lésions se situe aux alentours de 30-35 ans, ce qui correspond à l’âge physiologique. De façon prévisible, l’importance de l’arthrose croît avec l’âge du sujet, mais il existe parfois quelques sujets âgés épargnés par les lésions arthrosiques sévères et porteurs uniquement de lésions modérées. Infections Seules les infections chroniques sont visibles en paléopathologie, les infections aiguës, notamment létales, n’ayant pas suffisamment de temps pour causer des lésions osseuses. Seuls des individus adultes jeunes de Monterenzio Vecchia sont porteurs de lésions infectieuses (tableau 2). Plusieurs hypothèses sont possibles pour expliquer ce fait : insalubrité de l’habitat? Densité de population excessive (peu crédible)? Réponse immunitaire insuffisante (car terrain débilité : diabète, goutte, origine génétique, poly-parasitisme alimentaire, etc.)? Lallo a montré qu’un des principaux facteurs intervenant dans les différences de fréquence des infections inter – et intra-groupes (notamment entre hommes et femmes d’une même population) était alimentaire (Lallo 1978); or, rien n’indique que les apports aient été insuffisants si l’on s’en tient aux lésions carentielles visibles sur les squelettes. La relativement grande fréquence d’ostéomyélite chronique (3 cas) ne trouve, pour nous, aucune explication convaincante. Si l’apparition d’une telle infection a pu être favorisée par l’existence d’une thalassémie hétérozygote chez l’individu MV L, aucun facteur débilitant n’a été mis en évidence sur les deux autres sujets. Cas particulier no 1 (MV 5) Chez cet homme de plus de 45 ans a été mise en évidence une vaste coulée hyperostosique vertébrale thoracique supérieure (les portions thoracique basse et lombaire ne sont pas conservées), avec un aspect en «colonne de bambou». Il n’existe pas de côté prédominant. Il s’agit d’une ossification des ligaments prévertébraux et interépineux, en rectitude (pas de cypho-scoliose), typique de la maladie de Forestier (ou hyperostose diffuse idiopathique : DISH). Il s’agit d’une forme sans enthésopathie périphérique (achilléenne, épine calcanéenne, etc.). En effet, les articulations sacroiliaques étant libres, on peut éliminer le diagnostic de spondylarthrite ankylosante (Resnick 1976). D’autre part, l’absence d’aspect inflammatoire, le respect des espaces intervertébraux et l’absence de tassement vertébraux sont autant d’arguments éliminant un processus infectieux, notamment tuberculeux. TABLEAU 2 – Récapitulatif des lésions infectieuses Cas particulier no 2 (MV 12) Sujet Sexe Âge Lésion MV B H 25-35 Arthrite sterno-claviculaire G et D MV L H 35-45 Ostéomyélite chronique frontale D MV 3 H 18-25 Ostéomyélite chronique radiale G MV 12 H 35-45 Pleurésie chronique D (tuberculeuse?) MV 15 H 25-45 Ostéomyélite chronique humérale G MV 22 H 25-35 Abcès dentaire Sur la totalité des 12 côtes droites a été notée la présence d’appositions périostées sur la face interne (et inférieure pour la première) sans ostéolyse au contact. Ces lésions correspondent à des calcifications pleurales secondaires à une pleurésie chronique. Les dépôts sont irréguliers, percés de multiples orifices microscopiques, et comme posés sur l’os cortical. Compte tenu de l’importance des remaniements calcifiants, l’hypothèse 276 La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique d’une tuberculose pleuro-pulmonaire a été retenue en priorité. La présence de ces anomalies strictement localisées au gril costal (systématisation) et épargnant le reste du squelette tant périphérique qu’axial permet d’éliminer le diagnostic de dépôts de calcite. Malformations Ont uniquement été observées une b-thalassémie hétérozygote (MV L), deux malpositions dentaires identiques (MV 1 et MV 2) et une fusion congénitale costovertébrale (MV 2). Il convient de signaler qu’aucun cas de spina bifida n’a été détecté. Tumeurs L’observation de néoplasies, tant bénignes que malignes, est, comme ailleurs dans l’Antiquité, rare dans la nécropole de Monterenzio Vecchia (5 cas). Il s’agissait presque exclusivement de tumeurs bénignes, c’est-àdire au pouvoir destructeur et/ou invasif uniquement local et ne causant pas de métastase (localisation secondaire à distance de la tumeur principale). 2 cas d’ostéomes de la voûte crânienne ont été mis en évidence, intéressant 2 sujets voisins, ce qui pourrait constituer un argument en faveur de regroupements familiaux. Il s’agit des individus MV 9 et MV 31 (2 femmes adultes matures). Les localisations sont cependant différentes (3 ostéomes frontaux chez MV 9, 1 ostéome palatin chez MV 31). Un cas d’ostéochondrome (ou ostéochondromatose synoviale) intéressait l’extrémité inférieure de l’ulna gauche de l’individu MV 4. Elle se présentait sous la forme d’une exostose bourgeonnante en «chou-fleur» de 3 mm de diamètre, appendue à la surface articulaire distale, avec léger plan de clivage avec l’os. anomalie comparable a été publiée par Fornaciari à Tarquinia (Étrurie) : il s’agit d’un enfant de 7-8 ans enterré dans l’aire sacrée du temple de la Cività (Fornaciari 1987; Bonghi Jovino 2001) porteur d’une ostéolyse régulière discrètement inflammatoire développée aux dépens de la table interne de la voûte crânienne au cours du développement d’un anévrisme artérioveineux comparable à notre cas. Cas particulier no 4 (MV 35) Cet immature était porteur d’une lésion cérébrale dont seule persistait la conséquence volumétrique (un important effet de masse sur la faux du cerveau au niveau du frontal). Il s’y associait un aspect hypervascularisé de la table interne de la voûte crânienne en regard du sinus veineux longitudinal supérieur (aspect cribriforme sans apposition périostée, témoignant d’une irritation méningée). Il ne fut pas retrouvé de cribra orbitalia ni d’hyperostose poreuse associées. En revanche, il existait un retentissement notable sur la croissance puisque l’on observe une nette différence entre les âges dentaire (4-6 ans) et statural (3 ans). Il faut néanmoins préciser que cette différence a pu être liée à une autre cause, à commencer par une carence alimentaire. Il nous a été impossible de dire si la lésion causale était d’origine tumorale ou infectieuse (volumineux abcès cérébral), mais elle a très probablement été la cause du décès de l’individu. Traumatismes Les lésions traumatiques sont fréquentes et touchent près d’un sujet sur cinq (sans compter les lésions odontologiques). Les lésions du squelette périphérique restaient prédominantes (tableau 3) : Cas particulier no 3 (MV 25) Un angiome ou une malformation vasculaire (fistule artério-veineuse) frontale gauche para-saggitale, de 1 cm de grand axe, presque transfixiante a été découverte chez cet immature de 10-11 ans. Le développement de cette masse intra-crânienne a laissé une trace en négatif (érosion osseuse) discrètement inflammatoire dans la table interne. Son aspect est nettement différent d’une granulation de Paccioni, à commencer par sa taille, qui aurait été considérablement excessive pour l’âge. Précisons d’autre part que l’étude microscopique et élémentaire du liquide de décomposition intracrânien a confirmé le diagnostic d’hémorragie cérébrale, accréditant la thèse d’un décès brutal par rupture de la lésion vasculaire (Charlier 2009). Une TABLEAU 3 – Récapitulatif de l’ensemble des lésions traumatiques Sujet Sexe Âge Lésion MV 4 F MV 12 H 35-45 Fracture-tassement vertébrale (T12) MV 15 H 25-45 Fusion costo-vertébrale post-traumatique (T2) MV 20 F > 45 Fracture costale D MV 31 F > 45 Fracture ancienne de la tête humérale D MV 36 H 45-65 Fracture costale D consolidée avec cal > 45 Séquelle d’entorse grave de la cheville G Fracture de la base du 1er métatarsien G 277 Ces traumatismes intéressent 3 femmes adultes matures (MV 4, MV 20, MV 31), 2 hommes adultes jeunes (MV 12, MV 15) et 1 homme adulte mature (MV 36). Aucun individu n’est décédé d’un de ces traumatismes, puisque chaque lésion présentait des signes de consolidation complète. L’examen paléopathologique a en outre mis en évidence que des soins sont prodigués aux traumatisés, permettant une consolidation correcte et une réduction anatomique. Étude malacologique De nombreux restes de mollusques ont pu être mis en évidence lors du nettoyage des restes squelettiques. Le fait que nous ayons participé à la fouille des tombes nous a permis de recueillir une grande quantité de ceux-ci. S’il ne nous a pas été possible d’identifier, en raison d’une excessive fragmentation, tous les mollusques, en revanche, de nombreux individus de type Caecilioides acicula Müll. ont été mis en évidence, généralement dans les cavités crâniennes (sujets MV 2, MV 5, MV 8, MV 9, MV 10, MV 13, MV 15, MV 20, MV 22, MV 23). Il s’agit de petits mollusques «anthropophages» attirés par les moisissures et la putréfaction cadavérique (Baud 1982). Leur existence a confirmé ce que l’archéologie et l’anthropologie funéraire laissaient déjà entendre : les individus ont été inhumés à l’état frais, c’est-à-dire qu’ils se sont décomposés dans la terre et n’ont pas été inhumés à l’état «sec» (ossements dépourvus de toute matière organique). En effet, aucun mollusque de ce type n’a été retrouvé dans les crémations (toute putréfaction étant absente en ce cas puisque les ossements ont déjà une structure minérale pure lors du dépôt en terre). Étude cristallographique Une étude cristallographique, menée par le Centre de recherche et de restauration des Musées de France (C2RMF, Musée du Louvre, Paris) avec l’aide de Vincent Mazel et Pascale Richardin, a été réalisée sur deux échantillons retrouvés lors de la fouille fine de deux individus. MV 20 Chez cette femme de plus de 45 ans a été mise en évidence une calcification régulière mesurant 1,1 × 0,9 × 0,3 cm en regard de la face antérieure du sacrum (dans un bloc de terre adhérant au 3e trou sacré gauche). L’aspect morphologique était totalement aspécifique (Charlier 2008). L’analyse cristallographique a révélé la présence en grande quantité d’hydroxyapatites (Ca5(PO4)3(OH, Cl, F) et Ca10(PO4)5CO3(OH)F). Il n’a pas été retrouvé de whitlocklite, un cristal pathognomonique des calcifications d’origine tuberculeuse (Baud 1990). Le diagnostic final d’un calcul urinaire semblait donc très plausible, sans qu’il soit possible de proposer un lien certain avec la cause du décès de l’individu. MV 18 Chez cet enfant de 3 ans de sexe indéterminable a été isolée dans le bassin une formation polyédrique de 6 mm de grand axe dont l’origine ne pouvait pas être précisée à l’examen macroscopique (lithiase urinaire? fragment de caillou?). L’analyse cristallographique a révélé une composition très majoritairement à base de quartz (SiO2) sur un fond d’anorthite (CaAl2Si2O8). Il ne s’agissait donc pas d’une formation d’origine biologique mais bien d’origine tellurique (sa présence dans la tombe s’expliquant donc par le remplissage de celle-ci). Étude au MEB du fluide de putréfaction solidifié Nous avons soumis plusieurs échantillons de fluide de putréfaction solidifié (PFD) à une analyse microscopique électronique à balayage afin de chercher à identifier des fragments tissulaires ou, au moins, cellulaires, au sein de cette substance. À notre connaissance, aucune étude de ce type n’avait encore été réalisée sur de tels échantillons. Il s’agissait d’une application directe de notre spécialisation anatomopathologique couplée à l’analyse élémentaire de surface possible en semi-vide. Quasiment tous les squelettes de cette nécropole présentaient des dépôts comparables. Seuls trois d’entre eux ont fait l’objet de prélèvements dans un objectif expérimental (afin de déterminer l’intérêt potentiel théorique de l’examen microscopique de ces dépôts : Charlier 2009). Des fragments centimétriques de PFD ont été prélevés avec un minimum de contamination directement dans la boîte crânienne. Ils ont été nettoyés par un grattage fin et une vaporisation délicate d’air sous pression. Les échantillons intéressaient les tombes MV 15, MV 25 et MV 26. Ils ont été examinés en l’état au microscope électronique à balayage Philips XL30 CP, dans les locaux du C2RMF (Musée du Louvre), avec l’aide de Vincent Mazel et Pascale Richardin. Il nous a ainsi été permis d’observer de nombreuses structures biologiques encore présentes dans ces formations calcifiées au cours du temps (dure-mère, hématies, filaments mycéliens, colonies bactériennes, paroi vasculaire capillaire, etc.). Un diagnostic rétrospectif d’hémorragie cérébrale consécutive à la rupture d’une malformation vasculaire intra-crânienne a également pu être porté grâce aux analyses élémentaires en semi-vide 278 La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique et à la confrontation avec les données ostéo-archéologiques (MV25, fig. 19). Étude microscopique du tartre dentaire Les analyses effectuées sur 5 sujets (MV 7, MV 15, MV 20, MV 21, MV 31) a fourni d’importantes informations sur l’alimentation (fig. 20). La composition de la matrice est variable entre individus (silicate d’alumine chez certains, phospho-calcique chez d’autres). Des fibres végétales sont mises en évidence chez certains sujets, mais leur extrême fragmentation ne permet pas d’identification précise de l’espèce présente. Des cristaux ont été retrouvés chez tous les individus, de nature variable (silicate d’alumine, quartz, manganèse); ils ont été responsables de l’importante usure occlusale et proviendraient d’une fragmentation des meules à grains. La nature mise en évidence d’un cristal de manganèse pourrait être en rapport avec une contamination par les peintures et vernis des céramiques. Caractères discrets Les caractères discrets sont des caractères physiques (ostéologiques, pour ce qui nous concerne) codés comme présents ou absents, sans conséquence physiopathologique pour le sujet vivant. Ne sont pas concernées les anomalies osseuses d’origine pathologique ou consécutives à un stress. Si l’héritabilité des caractères discrets est mal connue, il semble en revanche qu’ils permettent de définir, à l’échelle d’une population bien définie, des relations taxonomiques entre groupes (Crubézy 1999). Ont été recherchés sur les squelettes de Monterenzio Vecchia les caractères suivants : métopisme frontal (7,8% de la population, soit 3 sujets), foramen pariétaux (2 cas isolés), agénésie des dents de sagesse (8 Fig. 19 – Monterenzio. Empreinte endocrânienne d’une malformation artério-veineuse chez le sujet MV 25 avec dépôt de fluide de putréfaction solidifié adjacent. Fig. 20 – Monterenzio. Tartre dentaire visible sur une molaire du sujet MV 15. sujets), torus palatin (1 cas), incisives en pelle (3 cas), perforation olécrânienne (2 groupes bien distincts topographiquement : 1er groupe : MV 21 et MV 22; 2e groupe : MV 3, MV 4, MV 8, MV 9, MV 14), os wormiens (4 cas uniquement masculins), patella emarginata (5 cas dont 4 bien groupés), lombalisation de S1 (1 cas) et sacralisation de L5 (1 cas). Synthèse À Monterenzio Vecchia, les immatures représentent près de 30% de la population de la nécropole. Il existe une majorité d’hommes jeunes inhumés, mais une nette prédominance de sujets adultes matures féminins dans la population inhumée. Si la courbe démographique de Monterenzio Vecchia est en faveur d’une population jeune de type «cimetière militaire» (avec des femmes âgées non exposées aux faits de guerre : Masset 1982, 1985, 1994), la rareté des lésions traumatiques observées sur les squelettes de ce site est assez étonnante. Précisons cependant que l’absence de lésions peri-mortem sur des ossements ne signifie aucunement que l’individu n’est pas mort des suites de faits de guerre : les traumatismes ont pu intéresser les tissus mous (thorax, abdomen, masses musculaires des membres). L’ensemble des anomalies dentaires est corrélé aux courbes démographiques de la nécropole : pertes dentaires faibles chez les hommes (à la mortalité prématurée) tandis que les femmes sont l’objet de nombreuses pertes (avec un décès à un âge avancé), important taux de caries avec une prédominance pour la dentition postérieure (bloc prémolaires-molaires) en faveur d’une 279 alimentation riche en hydrates de carbone, cassures dentaires fréquentes liées à la fragilisation des dents cariées. La stature moyenne des individus est de 170,3 cm chez les hommes, contre 162 cm chez les femmes (un dimorphisme sexuel classique). De nettes différences de fréquence, de topographie et de sévérité de l’arthrose ont été mises en évidence entre sujets masculins et féminins du site qui s’expliquent, d’une part par une mortalité différente entre sexes, mais également par des activités physiques différentes entre hommes et femmes. Face à la grande fréquence des infections, plusieurs hypothèses sont possibles : insalubrité de l’habitat de Monterenzio Vecchia? Plus forte densité de population? Déficit immunitaire lié à un terrain débilité (consanguinité)? Dans ce contexte, un individu porteur de déformations osseuses consécutives à une b-thalassémie hétérozygote a été observé. Si les ostéomes de la voûte crânienne restent la tumeur la plus fréquente, la présence de processus expansifs intracrâniens a été retrouvée chez deux immatures, ce qui est bien surprenant pour une série ostéoarchéologique de moins de 40 sujets. Il apparaît, à l’analyse des fréquences des différents caractères discrets, mais aussi de leur répartition topographique, que 2 groupes humains semblent exister à Monterenzio Vecchia (d’après la répartition des cas de perforation olécrânienne, d’os wormiens et de patella emarginata) : – 1er groupe (MV 19, MV 21, MV 22, MV 26, MV 33); – 2e groupe (MV 3, MV 4, MV 8, MV 9, MV 14). Il est intéressant de noter que le 1er groupe se superpose à l’un des regroupements de cas d’hypoplasie de l’émail dentaire (MV 12, MV 20, MV 21, MV 22, MV 23, MV 31), de même que le 2e groupe se superpose au second regroupement de cas d’hypoplasie de l’émail (MV L, MV 2, MV 3). Ces superpositions renforcent l’existence de deux groupes humains distincts (familiaux?) au sein de la nécropole. Plusieurs études spécialisées se sont révélées fructueuses. L’étude malacologique a permis de confirmer le dépôt des défunts dans les tombes à l’état frais, c’est-àdire au tout début de la putréfaction; en effet, les nombreux Caecilioides acicula Müll. identifiés sont des mollusques anthropophages attirés par la décomposition cadavérique. L’étude cristallographique a permis de déterminer la nature exacte de deux calcifications isolées au cours de la fouille (chez MV 20, une femme adulte mature, un calcul urinaire a pu être diagnostiqué; chez MV 18, en revanche, l’analyse a infirmé la nature biologique de la calcification, au profit d’un cristal de quartz, d’origine tellurique). L’étude au microscope électronique à balayage (MEB) du fluide de putréfaction solidifié, méthode nouvelle pour la première fois mise en application sur ce site, s’est révélée riche d’enseignements : elle a permis d’observer de nombreuses structures biologiques encore présentes dans ces formations calcifiées au cours du temps (dure-mère, hématies, filaments mycéliens, colonies bactériennes, paroi vasculaire capillaire, etc.); un diagnostic rétrospectif d’hémorragie cérébrale consécutive à la rupture d’une malformation vasculaire intra-crânienne a également pu être porté grâce aux analyses élémentaires en semi-vide et à la confrontation avec les données ostéo-archéologiques (MV25). Une étude comparable au microscope optique (après courte décalcification) et au MEB (en l’état) du tartre dentaire, a également été réalisée sur des échantillons de sujets du même site : elles ont permis de préciser le régime alimentaire de ces individus et a fourni une illustration de l’importante flore bucco-dentaire présente chez cette population étrusco-celtique. Prochainement un travail opposant, sur le plan anthropologique et paléopathologique, les communautés contemporaines de Monterenzio Vecchia et de Monte Bibele (Monte Tamburino) sera mis en place, permettant de juger de l’homogénéité ou non de ces 2 populations voisines, installées de part et d’autre de la vallée de l’Idice. Cet aperçu des études anthropologiques en cours – des recherches d’ADN ont été tentées sans résultat sur des échantillons prélevés sur plusieurs tibias. Les analyses biomoléculaires ont été effectuées par le laboratoire de Médecine légale du CHRU de Strasbourg, par le Professeur Bertrand Ludes et le Docteur Christine Keyser – donne une première idée de la population inhumée dans ce petit cimetière de la vallée de l’Idice et livre des informations précieuses quant aux modalités d’inhumation et l’état sanitaire de cette communauté mixte où se mêlent, c’est ce que suggère en tous cas l’analyse des mobiliers funéraires, des individus d’origine étrusque et celtique. Philippe CHARLIER (Service de Médecine Légale et d’Anatomie/Cytologie Pathologiques, Pavillon Vésale, CHU Raymond Poincaré [AP-HP, UVSQ], Garches. HALMA-IPEL, UMR 8164 du CNRS, Université de Lille 3, Villeneuve d’Ascq), Claudia GENTILI (Université de Ravenne), Thierry LEJARS (CNRS, UMR 8546-ENS), Venturino NALDI (Musée Luigi Fantini, Monterenzio) et Daniele VITALI (Université de Bologne et Ravenne) 357 colline, autour de la moitié du VIIe siècle : l’oblitération programmatique des phases œnôtres (Phase 2) et la mise en place d’une série de dépôts à caractère rituel (Phase 1). En guise pour le moment de pure spéculation, nous pourrions en effet nous demander si le statut exceptionnel des structures appartenant à l’âge du Fer indigène de l’Incoronata n’aurait pas pu représenter la raison de ce besoin de tout oblitérer d’une manière si radicale, de faire tabula rasa d’un édifice dont la signification devait jouer un rôle évidemment prédominant : une destruction directement proportionnelle à la portée des monuments caractérisant la facies œnôtre de la colline. À la fois, la présence de ces anciens vestiges aurait bien pu repré- senter le motif qui a poussé les Grecs à venir justement ici à réaliser et à déposer rituellement leur céramique, si souvent exceptionnellement figurée. Dans cette perspective, nous nous trouverions dans un contexte – bien connu dans les «Dark Ages» méditerranéennes – de ré-appropriation en sens héroico-cultuel, au VIIe siècle, d’une tradition implantée sur, ou à côté, des espaces (d’habitation?) appartenant à l’élite dominante de la précédente phase de l’âge du Fer : un phénomène bien attesté dans plusieurs exemples contemporains (Nazarakis Ainan 1999, p. 9-36, en particulier p. 17). Ainsi, nous ne serions qu’au début du chemin de la compréhension de ce site... Mario DENTI (UMR CReAAH 6566, Laboratoire LAHM, Université de Haute-Bretagne-Rennes 2) Abréviations bibliographiques LA NÉCROPOLE CELTO-ÉTRUSQUE DE MONTERENZIO VECCHIA Baud 1982 = C.A. 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Les murs qui longent le couloir sont endommagés et des briques se sont détachées. 5. Beaucoup de tesselles se sont détachées de leur support. Plusieurs échantillons de mortier ont été testés pour retrouver la composition, la consistance et la couleur du matériau d’origine. Les murs qui entourent le couloir ont été renforcés. On a essayé de trouver une solution pour que les eaux de pluie puissent sortir du couloir. On a enlevé le mortier des anciennes lacunes pour le remplacer. Enfin les tesselles détachées ont été remises en place. Un projet sera présenté l’an prochain par l’Institut des Monuments de Tirana pour permettre de laisser les mosaïques visibles aux visiteurs, ce qui suppose l’aménagement d’une protection adaptée. A. Is. Faik DRINI (IAA), Jean-Luc LAMBOLEY (UMR 5189), Philippe LENHARDT (INRAP), François QUANTIN, Stéphane VERGER (EFA-EFR), Vasil BERETI, Saïmir SHPUZA, Altin SKENDERAJ (IAA), A. ISLAMI (Institut des Monuments de Tirana)1 Le complexe archéologique de Monterenzio Vecchia, situé sur le tracé de la Flaminia minor, une des principales voies de communication antiques reliant la région padane à l’Etrurie interne, domine les vallées de l’Idice à l’ouest et du Sillaro à l’est. Il fait face à l’ensemble voisin du Monte Bibele, également connu pour son importante nécropole celto-étrusque. Installée sur le flanc sudoccidental de la colline, la nécropole de Monterenzio jouxte un habitat étrusque plus ancien dont on commence à deviner l’importance. Pour une visite détaillée du site et un aperçu de ces principales caractéristiques, on se reportera aux précédents comptes rendus. Rappelons pour mémoire que ce cimetière mêle des enfants, en particuliers des enfants morts en bas-âge, aux adultes des deux sexes. Il faut aussi insister sur l’importance de la composante guerrière (40% des individus adultes). C’est dans le domaine très particulier de la guerre que l’élément nord-alpin est le plus remarquable. Pour le reste, la référence est presque exclusivement étrusque et italique, comme nous allons le voir avec l’exemple du banquet. Tandis que les objets personnels du défunt (parure, vêtements et instruments de toilette, ces derniers étant le plus souvent rangés dans un vase, posé aux pieds ou le long de la jambe droite) et les attributs qui le désignent comme être social (armes, miroirs, quenouilles et fusaïoles) sont placés au plus près du corps, les objets destinés à l’accompagner et à assurer son passage vers l’au-delà sont rassemblés sur le côté et parfaitement individualisés. On trouve là des récipients, en céramique ou en métal, des ustensiles en fer ou en bronze et des restes osseux, que l’on peut mettre en relation avec le cérémonial du banquet. 1. Ont également participé à la campagne 2009, M.-H. Barrière (Université de Lyon 2), A. Buqinça (Université de Pristina), J. Clément (Université de Lyon 2), A. Dimo (Parc archéologique d’Apollonia), E. Follain (université de Lyon 2), L. Jaupaj (Parc archéologique d’Apollonia), F. Perrin (Université de Lyon 2), I. Reverdy (Université de Grenoble II), Admir Xhelaj (Parc archéologique d’Apollonia). MONTERENZIO (PROV. DE BOLOGNE). LA NÉCROPOLE CELTO-ÉTRUSQUE DE MONTERENZIO VECCHIA : PRATIQUES ALIMENTAIRES ET CONSOMMATION CÉRÉMONIELLE Université de Bologne, École normale supérieure (Ulm)-Umr 8546 du CNRS, École française de Rome La quarantaine de tombes fouillées entre 2000 et 2005, auxquelles il faut ajouter les restes plus ou moins bien conservés d’une demi-douzaine de sépultures supplémentaires récupérés en 1988, donne une idée significative des rituels funéraires d’un de ces ensembles de l’Apennin bolonais, à l’origine certainement plus important. La partie conservée s’inscrit dans une brève période couvrant la fin du IVe et le début IIIe siècle avant J.-C. Les données archéologiques des territoires cispadans, boïens et sénons, témoignent pour cette période d’un bien-être matériel qui se traduit notamment par une influence marquée des modes méditerranéennes. 247 Le service de table ordinaire d’un adulte comprend deux ou trois plats à pied, deux à quatre grandes coupes d’une quinzaine de centimètres de diamètre, deux ou trois coupes de taille moyenne, d’une dizaine de centimètres de diamètre, une ou deux coupelles ainsi qu’un grand contenant, en général un vase ovoïde avec ou sans anses (olla), plus rarement un cratère ou une situle. Si la duplication des formes céramiques est la norme, le triplement est plus exceptionnel et limité aux ensembles les plus riches. À ce répertoire, il faut ajouter une coupe à boire bi-ansée, une kylix pour les hommes, un skyphos pour les femmes. Les cas d’inversion sont rares (tombes 21 et 22, il n’est pas inopportun de souligner dans ce cas la proximité des deux tombes et la faiblesse numérique de leur vaisselier, respectivement onze et neuf vases, comparé à la quinzaine d’exemplaires qui caractérise la plupart des contextes; par la quantité de pièces, le service de table de ces sépultures est plus conforme à celui rencontré dans les tombes d’enfants qui intègrent ce rituel) et leur association davantage encore (tombe 5). Ces vases, toujours uniques et sexuellement discriminants, sont complétés dans un tiers des tombes par des coupes à pied sans anse (jusqu’à trois exemplaires). Le service à boisson comprend aussi dans quelques cas une cruche, un canthare ou un gobelet à puiser en terre-cuite dont la fonction paraît analogue à celle des kyathoi en bronze, à la différence toutefois que ces derniers, lorsqu’ils sont attestés, sont documentés par quatre ou même cinq spécimens de différents modules. Une passoire en bronze, référence implicite à la préparation du vin, complète parfois le service à boisson (tombes 3, 5 et 36). La râpe à fromage, également utilisée pour aromatiser le vin dans les contextes étrusques plus anciens, n’apparaît ici que sous la forme de résidus. On ne saurait donc, dans ce cas, comparer cet ustensile aux autres accessoires culinaires, qui sont toujours complets. Si la râpe métallique n’est pas autrement attestée, nous trouvons en revanche des mortiers qui ont pu jouer un rôle plus ou moins équivalent. Ces vases à fond granuleux, qui paraissent avoir été l’apanage des hommes, devaient remplir une fonction bien précise. Ces vases, limités à une unique pièce par tombe, ne sont jamais séparés du service de table. On peut donc penser dans ce cas à une utilisation pour la préparation de mets ou de breuvages réservés aux seuls individus de sexe masculin. Enfin, il faut signaler la présence avec le service de table de gobelets d’un genre particulier qui se distinguent des autres vases déposés dans les tombes par une pâte exclusivement grossière. Déposés par paire, ces récipients, au fond souvent perforé, présentent des traces de brûlé et sont fréquemment et volontairement brisés au moment du dépôt. Leur aspect fruste est une constante qui répond très certainement aux impératifs du rituel. Bien qu’associés aux ustensiles de table, tout usage alimentaire paraît exclu. Il nous semble préférable de les interpréter comme des accessoires utilisés, dans le cadre du rituel funéraire, en marge du banquet. Des analyses permettront peut-être de préciser leur fonction et de valider l’hypothèse de vases brûle-parfum, précédemment avancée. Les broches et couteaux à viande, rares, sont attestés dans trois contextes seulement, tous masculins (tombes 8, 15 et 36). Dans la dernière tombe, broches et couteaux étaient associés à une paire de chenets, les seuls documentés dans toute la nécropole (fig. 26). Au-delà des ustensiles et contenants qui garnissent la tombe, il nous faut imaginer la nature des contenus et leur utilisation dans le rituel funéraire. Il s’agit de boissons (du vin comme le laissent deviner certains ustensiles comme la passoire et la kylix, mais pas uniquement) et d’aliments solides. Des offrandes végétales (les analyses archéobotaniques donnent, pour l’habitat de Monte Bibele, un aperçu des denrées végétales produites et consommées à cette époque, dans la région) nous ne savons rien puisqu’il n’a été trouvé ni graines, ni noyaux, ni résidus d’aucune sorte. Les offrandes carnées ne sont repérables que dans la mesure où elles sont associées à des restes osseux. Des pièces désossées pouvaient également participer de cette mise en scène, mais il n’en subsiste aucune trace, seule le dépôt de broches permet d’envisager la présence de tels morceaux. Les ossements animaux, documentés dans plus des deux tiers des cas, démontrent la matérialité de ces denrées. Font exception la plupart des contextes infantiles et deux tombes d’adultes (la tombe 21 qui dispose d’un service de table réduit, et la tombe 28). Les parties osseuses conservées indiquent qu’il s’agit dans tous les cas de porcs, l’animal qui entre dans plus de 50% de l’alimentation carnée de l’habitat de Monte Bibele. Il s’agit d’animaux immatures ou de jeunes adultes. Le choix des morceaux, également standardisé, se limite à des plats de côtes qui sont prélevés entre la Ve et XIVe vertèbre, avec ou sans les vertèbres correspondantes. Des traces de découpes sont visibles sur la plupart des côtes recueillies. La localisation et la forme des entailles indiquent pour la préparation des morceaux des pratiques de boucherie parfaitement réglées (fig. 27). Le thorax et la colonne vertébrale sont sectionnés longitudinalement. Les deux moitiés étaient ensuite divisées en portions plus petites, avec les parties de vertèbres attenantes (les processus épineux) ou en les séparant, après avoir taillé les têtes articulaires des côtes. La pièce de viande était ensuite brisée et peut-être repliée comme 248 La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique Fig. 26 – Monterenzio Vecchia, tombe 36, candélabre et ustensiles pour la préparation et la cuisson des viandes (broche, couteau et chenet) (T. Lejars del.). l’indiquent les entailles visibles sur la partie médiane de la face ventrale et les traces de fracture observées en vis à vis sur la face externe. L’expérimentation pratiquée sur des animaux actuels a montré, avec des traces de découpe et des fractures comparables à celles observées ici, qu’une telle pratique correspond à un mode opéra- Fig. 27 – Monterenzio Vecchia, reconstitution anatomique de la cage thoracique des restes de porc déposés dans la tombe 32 (cliché E. Maini). toire bien déterminé. L’objectif n’était pas la découpe nette des côtes en deux parties, mais l’affaiblissement de l’arc costal – d’abord les entailles rapprochées, sur la face ventrale, puis la pression exercée sur les extrémités et la fracture de la face externe – de manière à replier les deux parties ainsi obtenues. L’absence de trace de décharnement, le fait que ces côtes constituent parfois des ensembles de trois ou quatre pièces maintenus en position anatomique, et que la plupart sont dépourvus de leurs articulations, démontrent qu’il s’agissait de pièces de viande à part entière, analogues à celles consommées dans la vie quotidienne. Ces morceaux, pour n’être pas les meilleurs, n’en était pas moins de bonne qualité. On peut également se demander si la viande a été déposée dans la tombe encore crue ou si elle a été cuisinée, bouillie ou rôtie, avant le démembrement de l’animal. Des indices de cuisson, même limités, peuvent être retenus si l’on tient pour pertinent le noircissement des surfaces visibles sur quelques os. Les morceaux ainsi préparés étaient déposés en quantité variable, de deux à six pièces par tombe, et placés sur des vases ouverts, des coupes principalement 249 les vases, en particulier les formes basses ouvertes, pour partie sur le sol, mêlés aux vases ou dans leur voisinage immédiat (fig. 29 et 30). On note enfin, au sein de ces amas, des vides qui trahissent la présence d’objets en matériaux périssables (par exemple, tombe 12). Fig. 28 – Monterenzio Vecchia, tombe 20. Distribution des restes osseux animaux à l’intérieur des contenants en céramique, détail (cliché T. Lejars). et des plats (fig. 28). La répartition des ossements indiquent qu’ils dépassaient souvent les limites du vase. Dans d’autres cas, ils paraissent avoir été déposés directement sur le sol ou plus probablement sur des supports organiques (plat, écuelle, assiette, etc.) qui ont depuis disparu sans laisser d’autres traces que leur contenu. Les éléments constitutifs du service de table (vaisselle, ustensiles et nourriture carnée) sont présents dans la plupart des tombes, à l’exception d’une partie des individus les plus jeunes et d’un adulte. Il est remarquable que les enfants des tombes 24, 25 et 33, âgés de 3/5 ans, aient reçu les mêmes honneurs que leurs aînés. Le guerrier incinéré de la tombe 28, complètement atypique dans ce contexte, se distingue quant à lui par une absence de vases et d’ossements animaux, alors que sa sépulture s’intègre parfaitement dans l’organisation du cimetière. Cette anomalie peut s’expliquer de bien des manières. On peut avancer, parmi diverses hypothèses, une origine exogène de ce guerrier ou encore des conditions de décès particulières, qui ont conduit à modifier les règles et la pratique funéraire. Partout ailleurs, la vaisselle et les restes alimentaires sont présents et ont été déposés ensemble à la droite du défunt, à la hauteur de la tête ou du thorax. Les vases, serrés les uns contre les autres, le plus souvent à plat, parfois inclinés ou couchés, parfois renversés, suggèrent qu’ils avaient été placés sur un support en matériau organique, sorte de table basse. L’espace circonscrit dessine dans plusieurs cas un tracé nettement quadrangulaire (de 60 sur 80 cm pour la tombe 12). Les récipients les plus volumineux (cratère, situle et olla) ont souvent été brisés et écrasés consécutivement à l’effondrement de la couverture du caveau (tombes 3, 5, 14 et 36). Les ossements animaux sont posés pour partie sur Fig. 29 – Monterenzio Vecchia, tombe 22. Distribution des restes osseux animaux et des contenants en céramique, détail (cliché T. Lejars). Fig. 30 – Monterenzio Vecchia, tombe 7. Plan de répartition des vases et offrandes alimentaire (bleu : olla, skyphos et canthare, rouge : coupes, vert : coupelles, orange : plat à pied, marron : gobelets; M. della Casa del.). 250 La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique Dans la tombe 7, le service de table et les offrandes alimentaires étaient déposés sur une table rectangulaire d’environ 50 cm sur 90, placée à la droite du défunt (fig. 30). La disposition des vases ne doit rien au hasard. Le service est divisé en deux groupes symétriques disposés de part et d’autre d’un canthare à vernis noir. Les côtelettes de porc placées sur la table respectent cette partition de l’espace. Les grands contenants (vin ou eau?), décalés vers le Nord, paraissent quant à eux directement posés sur le sol. L’ensemble était complété au Sud par un candélabre avec pied et fût en bois et porte-chandelles en fer. Chandeliers et brûle-parfums participaient de cette ambiance festive comme l’indiquent les représentations figurées sur les monuments étrusques contemporains. Situé à l’écart, sur le côté Ouest, un vase à parfum (amphorisque en céramique à vernis noir), complétait le mobilier. Ce souci de la mise en scène du mobilier déposé est fréquent. Dans un autre genre, on peut signaler l’olla de la tombe 1 qui, placée au centre du dispositif, supportait un canthare étrusque, posé à l’envers, que recouvrait un casque, à la manière de certains vases cinéraires d’époque villanovienne. Une telle mise en scène n’est pas sans rappeler les représentations de banquets, peintes sur les parois de la tombe Golini I à Orvieto, datée du milieu du IVe siècle av. J.-C. et contemporaine des tombes les plus anciennes de Monterenzio Vecchia. On découvre là, près de grands chandeliers et des brûle-parfums, des tables chargées de boissons et de victuailles présentées dans des récipients qui ne sont pas très différents des nôtres. L’analogie, toute proportion gardée, est saisissante. Si la duplication du service de table caractérise de la même manière les ensembles funéraires de Monte Bibele (deux gobelets, deux plats, deux grandes coupes, deux coupes de taille moyenne et parfois deux plus petites), le triplement de certaines formes (plats à pied, grandes coupes à vernis noir surtout, coupes moyennes, coupes à pieds) est plus fréquent à Monterenzio Vecchia. A Bologne, la situation est sensiblement différente, puisque si l’on trouve effectivement dans les sépultures de la phase celtique de la vaisselle en bronze étrusque et certains accessoires du cérémonial du banquet, la part de la céramique paraît plus ténue et le service de table, lorsqu’il est attesté, se limite généralement à un seul convive. Dans les ensembles funéraires de la basse vallée du Reno (Marzabotto et Casalecchio di Reno), pour se limiter au domaine des Boïens, le rituel très différent exclut aussi bien les objets que les usages et concepts d’origine étrusco-italique. Par leur aspect et la sobriété de leur mobilier, ces sépultures sont similaires à celles des régions transalpines. Les groupes inhumés dans les cimetières de Monterenzio Vecchia et Monte Bibele, bien qu’appartenant à la zone d’influence boïenne, présentent de ce point de vue davantage d’affinités avec leurs homologues Sénons qui furent incontestablement, parmi les Celtes établis dans la péninsule, les plus ouverts aux influences méridionales. La signification de ces offrandes alimentaires est plus difficile à cerner. On peut supposer que les objets utilisés au cours du rituel et laissés dans la tombe, étaient indissolublement liés au mort, et peut-être même lui appartenaient-ils au même titre que les effets personnels (comme le couteau à découper les viandes, etc.). La présence de services avec des vases destinés à plusieurs participants (deux ou trois suivant les cas) permet toutefois d’écarter l’idée d’un simple viatique réservé au seul défunt pour son voyage dans l’au-delà (suggéré par la présence fréquente dans la main droite d’un fragment métallique, désigné comme aes rude). La référence au banquet avait indéniablement une valeur sociale et marque un moment important pour la communauté des vivants – il s’agit de groupes élitaires qui fondent leur pouvoir sur la puissance guerrière – qui se retrouve et rend un hommage au disparu. Cet hommage ne s’arrête pas là puisque l’on a retrouvé en surface de plusieurs tombes des concentrations d’ossements animaux et de vases brisés, qui indiquent que l’on ne manquait pas de revenir sur la tombe pour quelque célébration (repas d’anniversaire, etc.). Si les céramiques peintes, les vases à vernis noir ou encore les récipients et ustensiles métalliques nous invitent à regarder du côté de l’Étrurie tyrrhénienne, nous savons que la pratique du banquet funèbre était partagée par la plupart des peuples italiques. De fait, on reconnait dans le rituel mis en œuvre à Monterenzio Vecchia, comme à Monte Bibele, des traits singuliers qui trouvent davantage d’analogie chez les Ombriens que chez les Étrusques. Cela n’a rien de surprenant si l’on considère la position géographique des groupes de l’Idice, en limite des territoires émiliens et romagnols, et la présence de populations ombriennes à l’Est du Sillaro (par exemple, à Montericco, près d’Imola). On trouve dans les ensembles funéraires ombriens, comme à Monterenzio, les mêmes gobelets en céramique grossière, alors qu’ils paraissent absents des contextes funéraires étrusques padans. Il en va de même de la présence du mortier en contexte masculin ou de l’usage préférentiel de vase à boire comme la kylix ou le skyphos (Montericco, Colfiorito di Foligno, etc.). Ces remarques, suscitées par l’étude du service de table et des accessoires qui l’accompagnent, montrent 251 l’importance et le poids des composantes étrusques et ombriennes, à partir du IVe siècle av. J.-C., dans le processus de construction des nouvelles communautés qui résultent d’apports multiples, d’interactions et de fusions. L’analyse des nécropoles boïennes, de Bologne, de la vallée du Reno et de l’Idice, montre également que ce processus n’est pas uniforme et que les Celtes ne furent pas tous, loin s’en faut, aussi réceptifs aux modes et coutumes des populations indigènes. Melissa DELLA CASA (Université de Bologne), Thierry LEJARS (CNRS-Umr8546, ENS, Paris), Elena MAINI (Université de Bologne), Venturino NALDI (Musée archéologique de Monterenzio) et Daniele VITALI (Université de Bologne) LES SITES DE HAUTEUR DES VESTINS : ÉTUDE DE L’ORGANISATION TERRITORIALE D’UN PEUPLE DE L’ITALIE PRÉROMAINE École française de Rome, Soprintendenza per i Beni archeologici dell’Abruzzo, Université de Picardie-Jules Verne La 4e campagne d’étude des sites fortifiés et de l’organisation territoriale des Vestins Cismontani et des Péligniens Superaequani s’est déroulée du 5 au 31 juillet 2009, en collaboration avec Vincenzo d’Ercole (Soprintendenza per i Beni archeologici dell’Abruzzo). Comme les années précédentes, nous avons profité d’une précieuse contribution matérielle de la Comunità Montana Amiternina, dirigée par Giacomo Di Marco. Malgré les circonstances difficiles et la situation d’urgence créée par le séisme du 6 avril 2009, nous avons bénéficié d’un accueil chaleureux de la part de la population du village de Fossa, dont nous avons partagé le quotidien à la tendopoli. Une quinzaine d’étudiants, provenant de diverses Universités françaises et italiennes, a participé à cette campagne 2. À l’issue des trois précédentes campagnes, 36 sites fortifiés ont déjà été étudiés et nous avons dans un premier temps complété nos observations en examinant les quelques centres fortifiés signalés qui n’avaient pas encore été vus. Nous avons également conduit des prospections dans plusieurs secteurs : le massif du Monte Sirente, les versants méridional et septentrional de la plaine de L’Aquila et le pourtour de la vallée de Capes- 2. Les étudiants qui ont participé à cette campagne 2009 provenaient des Universités Lumière Lyon 2, Lille 3-Charles-deGaulle, Picardie-Jules Verne, Provence, G. D’Annunzio trano, avec une attention particulière pour le territoire de Villa Santa Lucia degli Abruzzi. Nous possédons désormais une carte archéologique à jour, documentant l’occupation des sommets de la région de l’Âge du Bronze final à l’époque médiévale. Enfin, nous avons complété nos observations en réalisant une série de sondages sur le Monte di Cerro (communes de Sant’Eusanio Forconese et Fossa), aussi bien à l’intérieur de la surface enclose que dans le secteur de la porte orientale et de sa rampe d’accès. Les opérations de prospection Nous avons poursuivi l’étude du versant septentrional du massif du Monte Sirente, le long duquel on peut supposer l’existence d’un itinéraire antique reliant le territoire des Èques à ceux des Péligniens et des Marses et passant par le haut-plateau des Rocche, les Prati del Sirente, avant de longer le flanc du Monte Sirente et du Monte San Nicola, pour déboucher sur le Piano di Baullo et la Forca Caruso. Pour documenter la dernière portion de cet itinéraire, nous avons exploré le secteur du Pianoro di Canale jusqu’à Cerreta (commune de Gagliano Aterno). Après avoir passé le Pianoro dell’Acqua (1337 m), dont le fond est occupé par une petite cuvette qui sert d’abreuvoir pour les troupeaux, en parcourant tout le chaînon calcaire qui domine la conque de Castelvecchio Subequo, nous avons découvert un site sur le sommet du Capo della Piaia (1410 m). Au SE, ce sommet est protégé par un fossé, dont la largeur varie de 5,90 à 7,60 m et que l’on peut suivre Chieti, Roma 1-La Sapienza, Marc Bloch-Strasbourg, ainsi que de l’École normale supérieure. MEFRA – 123/1 – 2011, p. 237-376. Activités archéologiques de l’École française de Rome Chronique Année 2010 262 La Nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique direction d’Agron Islami, responsable du Département des mosaïques à l’institut des Monuments de Tirana. Ces travaux réalisés du 16 au 30 juin, ont permis de remettre au jour et de les laisser visibles les mosaïques pendant toute la saison estivale, ce qui est une première. Cette initiative a largement contribué à la valorisation du site, si l’on en juge au nombre des touristes venant visiter ce secteur jusqu’alors complètement ignoré. Les mosaïques ont dû être recouvertes à la fin de la campagne d’été, car l’absence de couverture rend impossible de les laisser à l’air libre pendant la saison d’hiver, et les problèmes de gardiennage, et donc de sécurité, ne sont pas encore résolus au niveau du Parc archéologique. Les interventions pour la conservation ont consisté : – Au nettoyage de la végétation dense qui avait couvert tout le monument et son alentour. Au début des travaux toute la maison était cachée par cette végétation, par des arbustes et même des petits arbres. Il a fallu procéder au le nettoyage général de la maison et de son contexte environnemental. – À la remise au jour de la mosaïque de la partie sud-est du péristyle de manière graduelle, en enlevant d’abord le sable et puis le plastique afin d’éviter le sèchement rapide de la surface et le changement rapide thermique, qui est phénomène très dangereux pour les tesselles. – Au nettoyage mécanique des racines de plantes qui avaient pénétré sur et sous la surface de la mosaïque. En même temps, a été fait aussi le nettoyage des dépositions superficielles. – Au lavage de la surface mosaïquée en utilisant un détergent neutre dilué dans l’eau à 1-2%. – Au remplacement du mortier là où il était lacunaire, et aux restaurations des bordures en consolidant le muret de briques. – Au replacement des tesselles qui ont été arrachéesde leur support en utilisant un mortier adéquat déjà employé l’an dernier. – À la restauration du muret de protection en brique qui entoure la mosaïque au nord et à l’ouest. – À l’aspersion d’un herbicide (Roundup) dans l’espace de l’impluvium et autour des structures afin de prévenir le développement de la végétation autour du monument, et dans la cour intérieure. – En collaboration avec le Direction de l’Atelier des Monuments de Tirana il a été possible de remplacer la partie endommagée de la clôture qui entoure le monument. Le temps a manqué pour atteindre l’extrémité nord du couloir, et les travaux se sont arrêtés au niveau de l’emblema central. Agron ISLAMI Faïk DRINI (IAA), Jean-Luc LAMBOLEY (UMR 5189), Philippe LENHARDT (INRAP), François QUANTIN, Stéphane VERGER (EFA – EFR), Saïmir SHPUZA, Altin SKENDERAJ, Vasil BERETI (IAA), Erik FOLLAIN, Marie-Hélène BARRIÈRE (UMR 5189) et Agron ISLAMI (Institut des Monuments de Tirana) MONTERENZIO (PROV. DE BOLOGNE). LA NÉCROPOLE CELTO-ÉTRUSQUE DE MONTERENZIO VECCHIA : LES TOMBES FÉMININES Université de Bologne, École normale supérieure (Ulm)-UMR 8546 du CNRS et École française de Rome Le complexe archéologique de Monterenzio Vecchia, situé sur le tracé de la Flaminia minor, une des principales voies de communication antiques reliant la région padane à l’Étrurie interne, domine les vallées de l’Idice à l’ouest et du Sillaro à l’est. Il fait face à l’ensemble voisin du Monte Bibele, également connu pour son habitat et son importante nécropole celto-étrusque. Installée sur le flanc sud-occidental de la colline, la nécropole de Monterenzio jouxte un habitat étrusque plus ancien dont on commence à deviner l’importance. Pour une présentation détaillée du site et un aperçu de ces principales caractéristiques, on se reportera aux précédents comptes-rendus. Nous rappelons pour mémoire que ce cimetière daté de la fin du IVe s. et début IIIe s. av. J.-C. mêle des enfants, en particuliers des enfants morts en bas-âge, aux adultes des deux sexes. Il faut aussi insister sur l’importance de la composante guerrière (près de la moitié des adultes) et la prépondérance dans le domaine très particulier de la guerre de l’élément nord-alpin. Pour le 263 reste, la référence est presque exclusivement étrusque et italique, comme nous nous proposons de le montrer avec le costume et les attributs féminins. Sur la quarantaine de tombes fouillées entre 2000 et 2005, auxquelles il faut ajouter les restes plus ou moins bien conservés d’une petite dizaine de sépultures supplémentaires récupérés en 1988, les femmes représentent moins du tiers de l’effectif total. L’étude anthropologique a permis de dénombrer dix femmes sur les 28 individus identifiables, âgés de plus de 16 ans. L’analyse des mobiliers archéologiques permet quant elle d’attribuer treize dépôts funéraires à la sphère féminine, neuf adultes et quatre enfants, âgés de trois à onze ans. Comme à Monte Bibele, les femmes sont toutes inhumées, l’incinération, très minoritaire, étant réservée à certains guerriers (tombes 16, 28 et 32). La population féminine se compose majoritairement de femmes adultes matures (plus de 45 ans, tombes 4, 7, 20, 21 et 31) et âgés (plus de 65 ans, tombes 9 et 14). Une seule femme est âgée de moins de 45 ans (tombe 2). À Monterenzio Vecchia, la plupart de femmes disparaît à un âge adulte mature (après 45 ans) alors que les hommes meurent majoritairement à un âge adulte jeune (16-45 ans). Une telle distribution s’explique classiquement en anthropologie funéraire par des faits de guerre qui fauchent la vie des hommes jeunes, les décès féminins avant 45 ans étant principalement dus aux complications des grossesses. Il existe un cas d’ambiguïté sexuelle, c’est-à-dire de dissociation entre le sexe déterminé par les méthodes anthropologiques et le sexe indiqué par le mobilier funéraire (sexe archéologique). Il s’agit de la tombe 19, féminine du point de vue anthropologique mais masculine quant au mobilier archéologique. Les analyses biomoléculaires pratiquées par le laboratoire de Médecine légale du CHRU de Strasbourg (par le Professeur Bertrand Ludes et le Docteur Christine Keyser) n’ont pas permis d’extraire l’ADN nécessaire à la détermination du sexe génétique, en raison du mauvais état de conservation des squelettes, ainsi que de l’extrême percolation des ossements. Dans la nécropole de Monterenzio Vecchia, les tombes féminines, ou supposées comme telles, se mêlent aux ensembles masculins sans qu’il soit possible pour le moment d’établir d’éventuels regroupements. Il est également difficile d’établir un lien entre elles et les tombes d’enfants ou de nouveaux nés (fig. 35). Les datations obtenues à partir du mobilier (céramique et métallique) indiquent pour les ensevellissements une chronologie analogue à celle des ensembles masculins, correspon- dant aux dernières décennies du IVe s. av. J.-C. et au début du IIIe s. Les assemblages féminins se distinguent par la présence d’objets significatifs quant au sexe et au statut des défunts. Figurent en premier lieu les accessoires du costume et les parures, mais aussi certains objets caractéristiques liés au travail de la laine, et plus rarement des ustensiles associés aux soins corporels ou à la toilette, ou encore certains vases. Les fibules, en quantité variable, sont présentes dans huit ensembles, dont une tombe d’enfant. Elles sont de type «La Tène» ou «Certosa», parfois en fer, le plus souvent en bronze ou en argent. Si les fibules de type «La Tène» se rencontrent aussi dans les assemblages masculins, les «Certosa» en sont absentes. À cela s’ajoutent des appliques de coiffes (elles sont situées pour la plupart près du crâne) en forme d’oméga, le plus souvent en argent, parfois en fer. Il ne subsiste rien en revanche du ceinturon ou de ses constituants. Parmi les accessoires vestimentaires on peut mentionner certains groupes composés de petites fibules en bronze de type «Certosa» et de pendeloques, réunies par des chaînettes également en bronze. Nous reviendrons plus avant sur ces ornements de poitrine. La parure, relativement sobres, se compose pour l’essentiel de colliers de perles, en ambre, ou en ambre et verre. Dans certains cas, lorsque le nombre de perles est réduit, on peut supposer l’utilisation conjointe d’éléments en matériaux organiques (bois, etc.) qui ne se sont pas conservées. Des anneaux digitaux en bronze ou en argent, passés à la main droite ou à la gauche et dans certains cas aux deux, complétaient les assemblages (tombes A, 9, 14 et 20). Les bracelets, brassards et anneaux de chevilles, bien connus par ailleurs (à Casalecchio di Reno notamment), ne font pas parti du trousseau féminin des ensembles de Monterenzio Vecchia ou de Monte Bibele. Les bijoux en or dont se parent les femmes des nécropoles sénonnes (Montefortino) en sont également absents. Il faut ajouter à cela quelques objets plus insolites comme le scarabée en ambre de la tombe 7 (Fábry 2009). Il est orné d’une figure féminine ailée incisée à la base (fig. 36). Le caractère exceptionnel de la pièce est dû à l’emploi inhabituel de l’ambre pour la réalisation de gemmes. L’objet a été trouvé à proximité immédiat de la main droite avec des petites perles de verres placées de chaque côté. Il a pu être utilisé comme anneau digital, mais il n’en subsiste aucune armature métallique, ou comme ornement de bracelet ou peut-être même comme aes rude (ces derniers prennent habituellement la forme d’un fragment de métal). Le nécessaire de toilette se limite le plus souvent au 264 La Nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique Fig. 35 – Monterenzio Vecchia. Répartition des tombes féminines. 265 Fig. 36 – Monterenzio Vecchia. Scarabée en ambre de la tombe 7. miroir et à de petits récipients probablement destinés aux parfums et aux onguents. Les miroirs en bronze sont présents dans trois des neuf tombes d’adultes (tombes 2, 7 et 20). Ces objets caractéristiques de la fin du IVe s.-début du IIIe s. av. J.-C. sont généralement ornés (un simple liseré d’ocelle sur le miroir de la tombe 2, un couple de personnages féminins ailés sur l’exemplaire de la tombe 7, et un unique personnage féminin ailé sur celui de la tombe 20) et équipés d’un manche tronconique en os (Penzo 2006; Fábry 2010). L’exemplaire de la tombe 20 présente des traces de réparation. Il avait été placé au sud des vases, entre la jambe droite et les quenouilles. Le miroir de la tombe 7 avait été déposé sous les genoux avec une coupelle. Celui de la tombe 2 couvrait un petit vase en céramique déposé à part, près de la tête. Un lécythe et une embouchure en bronze de vase à onguent complétait l’attirail. L’étude des embouchures métalliques de récipients en peau (a gabbia) de la nécropole de Monte Bibele a permis d’établir une distinction par la taille : les diamètres les plus grands sont présents dans les ensembles masculins tandis que les plus petits seraient caractéristiques des contextes liés à la sphère féminine. Le statut féminin de l’inhumée est aussi signifié par des objets emblématiques liés au tissage ou plus généralement au travail de la laine suivant en cela un usage profondément ancré dans la tradition étrusco-italique. Cette référence à l’art du filage est une constante des assemblages féminins. Il s’agit de fusaïoles en terre-cuite et d’éléments osseux interprétés comme des garnitures de quenouilles (cabochons et tubes cylindriques à embouchure droite ou dentelée). Un vase leur est parfois associé. Ces ustensiles avec éléments osseux, également présents à Monte Bibele, sont documentés depuis l’époque étrusque, dans les nécropoles de Bologne (Certosa, tombe 300) et Spina (Vitali 2008). Le nombre de ces objets varie indépendamment de l’âge des défuntes. La paire de fusaïoles déposée aux pieds de l’enfant de la tombe 33, âgé de 4/5 ans, la signale comme une enfant et la situe d’ores et déjà dans le domaine féminin. Dans les tombes 4, 14, 21 et 33, seules les fusaïoles sont documentées. L’association fusaïole-quenouille n’est attestée que cinq fois (tombes A, 2, 7, 9 et 20). L’absence de garnitures osseuses ne peut être toutefois tenue pour significative dans le mesure où l’on ne peut exclure l’utilisation de quenouilles entièrement organique. L’absence de fusaïole dans la tombe 31 étonne davantage étant donné la fréquence habituelle de ces objets. L’association fusaïoles-quenouilles-vase représente donc la forme la plus complète d’un service qui signale la femme, telle Pénélope, comme productrice de tissu ou maître d’œuvre des productions de la maisonnée. Les tombes féminines disposent d’un service de table sensiblement équivalent à celui des hommes, à l’exclusion des ustensiles en bronze. Le nombre de vases varie de neuf à vingt pièces pour les tombes d’adultes contre deux à onze pour les ensembles attribuées à des enfants de sexe féminin. Si la typologie des formes est également semblable, on remarque la présence de vases uniques et sexuellement discriminants. C’est le cas en particulier des skyphoi (pâte dépurée ou à vernis noir avec décor surpeint), par opposition à la kylix qui demeure un des principaux marqueurs masculins avec le mortier. C’est aussi la présence de skyphoi dans les tombes d’enfants 24 et 25 qui permet de les Fig. 37 – Monte Bibele. Histogramme des tombes féminines avec skyphos. 266 La Nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique Fig. 38 – Monterenzio Vecchia. Tableau synoptique des parures et attributs féminins. Fig. 39 – Tableau synoptique des mobiliers féminins des ensembles de Monterenzio Vecchia et Monte Bibele (adultes et enfants de sexe féminin). 267 Fig. 40 – Monterenzio Vecchia. Marqueur féminins de la tombe 20 : toilette (miroir) et filage de la laine (fusaïoles et garnitures de quenouilles). 268 La Nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchia Chronique Fig. 41 – Monterenzio Vecchia. Parures de la tombe 20 : chaînettes-fibules-pendeloques, fibules, bague et perles de verre. assigner à l’univers féminin. Pour les femmes adultes, on note une seule exception avec le dépôt d’un kylix à la place du skyphos (tombe 21). De façon générale, les cas d’inversion sont rares. Outre l’ensemble mentionné, il faut signaler la tombe de guerrier 22 où, cette fois, la kylix est remplacée par un skyphos. Il n’est pas inopportun de souligner dans ce cas la proximité des deux tombes et la faiblesse numérique de leur vaisselier, onze et neuf vases; du point de vue quantitatif, le service de table de ces sépultures est plus conforme à celui des tombes d’enfants. À Monte Bibele, le skyphos est associé aux femmes dans seulement 15 cas sur 28 (Vitali 2008). Cette différence avec Monterenzio Vecchia s’explique en partie par l’histoire longue de la nécropole de Monte Bibele et une plus grande rareté des skyphoi dans les phases plus anciennes (Ve s. et première moitié du IVe s. av. J.-C.). Dans les tombes postérieures, le skyphos est présent dans 11 contextes sur 15 (fig. 37); sur les quatre exclus trois sont privés de mobilier céramique. Rappelons que la phase ancienne de Monte Bibele n’est pas documentée à Monterenzio Vecchia. Ce rapide aperçu de la documentation funéraire féminine, qu’il s’agisse de la parure et des accessoires vestimentaires, ou encore des objets liés au statut des individus (fig. 38) montre une grande ressemblance avec la situation rencontrée à Monte Bibele (Challet 2008; Vitali 2008) (fig. 39). Pour illustrer la similitude des mobiliers et des usages funéraires de ces deux comunautés voisines, nous pouvons évoquer, pour conclure, le cas de la tombe 20 de Monterenzio Vecchia. La femme mature inhumée dans cette tombe se signale par un mobilier relativement complet comprenant un service d’une quinzaine de vases dont un skyphos, un miroir, un assortiment de trois quenouilles en os avec fusaïoles en terre-cuite (fig. 40), des perles en verre placées sur la poitrine (collier?) et une bague en argent à la main 269 gauche. Elle portait en outre sur chaque épaule une chaînette en bronze ornée de pendeloques en goutte et de petites fibules de type Certosa, ainsi qu’une fibule en fer de type La Tène (fig. 41). Ce type de parure trouve des parallèles exactes dans quatre tombes de Monte Bibele (tombes 27, 49, 77 et 95) datées de La Tène B2 (fin IVe-début IIIe s. av. J.-C.) et relativement distantes les unes des autres. La tombe 27, qui a livré ce type de chaînettes avec des fibules en fer de type Certosa et La Tène, assurément la plus ancienne, permet de situer l’apparition de cette mode dans la vallée de l’Idice vers le milieu du IVe s. av. J.-C. Toutefois, c’est la tombe 77 qui offre la meilleure comparaison avec le groupe chaînettes-fibules-pendeloques de la tombe 20, bienqu’il ne s’agit plus cette fois d’une femme d’âge mûr mais d’une enfant de 6/8 ans. À travers ces marqueurs du statut du défunt nous voyons non seulement qu’il est possible de distinguer les ensembles masculins et féminins mais aussi qu’il existe une forte corrélation entre les pratiques funéraires des deux nécropoles de la vallée de l’Idice. À l’homogénéité des parures et des attributs s’ajoute la volonté d’inscrire dans le domaine des femmes certains enfants décédés prématurément. Comme pour le service de table et les accessoires du banquet, les marqueurs féminins relèvent presque entièrement de la tradition étrusco-italique. La référence au monde celtique se limite à la présence de quelques rares fibules laténiennes. Philippe CHARLIER (CHU Raymond Poincaré, Garches/Laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale, Université de Paris 5), Nicola BIANCA FÀBRY (Université de Bologne), Thierry LEJARS (CNRS-UMR 8546, ENS-Paris), Venturino NALDI (Musée archéologique de Monterenzio) et Daniele VITALI (Université de Dijon) LES SITES DE HAUTEUR DES VESTINS : ÉTUDE DE L’ORGANISATION TERRITORIALE D’UN PEUPLE DE L’ITALIE PRÉROMAINE École française de Rome, Soprintendenza per i beni archeologici dell’Abruzzo, Université de Picardie-Jules Verne, CNRS et Université de Bourgogne De 2006 à 2009, quatre campagnes de prospections, d’étude et de sondages ont été conduites sur le territoire des Vestins Cismontani et des Péligniens Superaequani, dans le but de mieux dater les enceintes perchées qui y sont signalées, mais également de mieux comprendre dans la longue durée l’organisation territoriale de cette région montagneuse. Ces opérations nous ont permis de découvrir et de documenter 9 habitats d’époque protohistorique (dont 3 probablement fortifiés), 2 nécropoles tumulaires protohistoriques, 3 sites enclos d’époque romaine, 5 gisements ouverts d’époque romaine et 6 sites d’époque médiévale, soit un total de 25 nouveaux gisements archéologiques. Un premier bilan de ce programme a été présenté lors de journées d’études, qui se sont déroulées à l’École française de Rome les 12 et 13 février 2010 et qui ont consenti également de dresser un panorama complet des recherches dans la région, de la Protohistoire à l’époque médiévale. Les actes sont en cours de publication. À l’issue de ces campagnes de terrain, la 5e campagne a donc eu lieu du 15 au 30 juillet 2010 et a été consacrée d’une part au relevé topographique de trois sites fortifiés inédits, découverts en 2007 et 2008, et d’autre part à l’étude du matériel récolté lors des campagnes 2008 et 2009 et déposé à l’antenne archéologique du château de Capestrano. Nous avons enfin complété nos observations précédentes en réalisant deux sondages le long du circuit méridional de l’enceinte du Monte di Cerro. L’étude du Monte di Cerro Le Monte di Cerro est un dôme de calcaire, qui culmine à 754 m d’altitude, à cheval sur les communes de Sant’Eusanio Forconese et Fossa. À son sommet se trouve une enceinte de forme ovale, longue de 1020 m. Nous avons, en 2006 et 2007 notamment, effectué des prospections dans la surface enclose (4,65 ha) et dans les alentours immédiats du site et en 2009 ont été réalisés plusieurs sondages, sur le circuit méridional (z), dans le secteur de la porte orientale (b, g, d, P), ainsi qu’à l’intérieur de l’habitat (a, e, h, u). Afin de mieux documenter la construction de l’enceinte elle-même, nous avons cette année prolongé le sondage z jusqu’au parement interne et ouvert un autre sondage (i), en correspondance du précédent, le long du parement externe. 373 La campagne de fouille et de recherche à L’Incoronata a enregistré cette année l’activité de deux équipes qui participent à la publication finale de la fouille (actuellement en cours de préparation). Nous rappelons que les résultats des analyses archéomagnétiques conduites par l’équipe du Groupe d’ArchéomagnétismeRennes (UMR 5060, dirigée par Philippe Lanos) sur les nombreuses briques retrouvées remployées dans les couches les plus récentes de l’occupation de la colline, ont été publiés dans Denti-Lanos 2007 et Hill et alii 2008. Dans ces ouvrages l’on trouvera également les résultats des analyses C14 menées par le Centre de datation par le radiocarbone de Lyon sur les charbons de bois contenus dans les couches de remplissage de la carrière. Des analyses chimiques sur le contenu d’un échantillon de formes céramiques destinées à contenir des liquides, présentes dans le dépôt US 2 du Secteur 4, ont été menées par l’équipe ANR PERHAMO («Parfums et Résidus Huileux de la Méditerranée Occidentale», dirigée par Dominique Frère, Université de Bretagne Sud), dans l’objectif d’approfondir la compréhension de la nature des matériaux conservés et la destination des vases. Une analyse approfondie des restes osseux a été entamée, et est actuellement en cours, par l’équipe d’Archéozoologie du Museum of London Archeology, dirigée par James Morris, dans le but d’intégrer les résultats des analyses précédemment présentées dans les publications de l’Université de Milan, à la lumière des nouvelles perspectives heuristiques issues de l’étude approfondie des contextes de découverte menée par notre équipe. L’attention que nous avons en effet essayé de réserver de façon majeure à l’analyse minutieuse des contextes de fouille, et plus particulièrement aux modalités de la déposition des objets au sein des grands dépôts réalisés dans ce secteur de la colline au troisième quart du VIIe siècle, a progressivement canalisé nos intérêts et permis d’approfondir nos réflexions sur la méthodologie de l’approche actuelle à l’étude et à la fouille de ces contextes archéologiques. Dans cette perspective, nous avons organisé à l’Université de Rennes 2 (UMR 6566) une Table ronde, intitulée La céramique dans les contextes rituels. Fouiller et comprendre les gestes des Anciens (juin 2010, sous la direction de M. Denti et de M. TuffreauLibre, avec les conclusions de J.-P. Morel), dans l’objectif d’ouvrir une discussion et de nous confronter avec des spécialistes de différentes phases chronologiques autour de cette problématique. Les actes sont actuellement en cours de préparation. Mario DENTI Abréviations bibliographiques APOLLONIA D’ILLYRIE (ALBANIE) Atlas d’Apollonia = Apollonia d’Illyrie. 1. Atlas archéologique et historique, textes réunis par V. Dimo, Ph. Lenhardt et F. Quantin, Rome, 2007 (Collection de l’École française de Rome, 391). Fraisse-Moretti 2007 = Ph. Fraisse et J.-Ch. Moretti, Exploration archéologique de Délos XLII. Le théâtre, Paris, 2007. MONTERENZIO VECCHIA Challet 2008 = V. Challet, Les bijoux de la nécropole de Monte Bibele (Monterenzio, BO), dans D. Vitali et S. Verger (dir.), Tra mondo celtico e mondo italico. La necropoli di Monte Bibele, Bologne, 2008, p. 61-76. Fábry 2009 = N. B. Fábry, Lo scarabeo della tomba 7 di Monterenzio Vecchio e le parures d’ambra delle necropoli etrusco-celtiche della valle dell’Idice, dans Ocnus, 17, 2009, p. 23 – 27. Fábry 2010 = N. B. Fábry, Uno specchio con «Lasa» alata dalla necropoli di Monterenzio Vecchio nell’Appenino bolognese, dans Acta Archaeologica Academiae Scientiarum Hung., 2010, p. 97-104. Penzo 2006 = A. Penzo, Specchi di bronzo, dans D. Vitali (dir.), I bronzi degli Etruschi e dei Celti nella Valle dell’Idice [catalogo della mostra], dans Quaderni del Museo Archeologico «Luigi Fantini», 3, 2006, p. 14-16. Vitali 2008 = D. Vitali, La nécropole de Monte Bibele : préliminaires pour une analyse spatiale et chronologique, dans D. Vitali et S. Verger (dir.), Tra mondo celtico e mondo italico. La necropoli di Monte Bibele, Bologne, 2008, p. 9-52.